samedi 21 mars 2009

La vie a-t-elle un sens ?

La question qui se pose donc à tout homme est la question du sens de l’existence. C’est Paul Ricoeur qui écrit : « Il est bien vrai que les hommes manquent de justice et d’amour mais ils manquent peut-être plus encore de signification. » Qu’est-ce que tout cela signifie finalement ?

La question la plus fondamentale de la philosophie est la question suivante : pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas rien ? Au plan pratique, cette question devient : Pourquoi faut-il qu’il y ait un accroissement, une puissance, un plus-être ? A quoi cela mène-t-il ? Et c’est toute la question du sens et du non-sens de la vie.

Sens selon la double acception du mot : sens comme direction, comme on dit le sens d’un fleuve ou le sens unique dans la rue ; et sens comme signification, comme on dit le sens d’une phrase. Quelle est la direction de notre existence, où allons-nous ? Et quelle en est la signification, qu’est-ce que cela veut dire ?

Beaucoup de choses on un sens et heureusement ! L’amitié a un sens, l’amour a un sens, la culture a un sens, le progrès économique et social, le progrès de la justice dans le monde, tout cela a un sens. Du sens, il y en a partout.

Mais il y a aussi du non-sens. Cette jeune fille de vingt ans que je vais voir à l’hôpital m’apprend qu’elle est renseignée sur son état : elle est atteinte d’un cancer et va mourir dans quelques mois, alors qu’elle est très belle, pleine de talents et qu’elle était promise à un magnifique avenir. Pour elle et pour ses proches, le fait d’être fauchée à vingt ans est absurde, n’a pas de sens. Elle me dit : « Je me révolte. » Bien loin de me scandaliser de sa révolte, je lui réponds : « Je me révolte avec vous. » Elle s’étonne, croyant que j’allais lui dire que la révolte était un péché. Devant le non-sens, devant l’absurde, la révolte est saine.

Ce père de famille de quatre enfants qui meurt subitement à cause d’un coup de frein maladroit sur une route mouillée, c’est absurde. Un raz de marée et voilà des milliers et des milliers de Pakistanais réduits à la famine, c’est absurde, cela n’a pas de sens.

Comment voulez-vous éviter de poser le problème de savoir ce qui va finalement l’emporter, du sens ou du non-sens ? Est-ce le non-sens qui va être vainqueur ? Est-ce la mort qui est le bout de tout ? La mort est-elle ce butoir sur lequel va buter tout ce qui a déjà un sens, et allons-nous être contraints de dire avec Paul Valéry : « Tout va sous terre et rentre dans le jeu » ? [1] Le jeu de la nature : nos cadavres serviront de fumier pour les légumes de nos petits-enfants !

En termes un peu plus philosophiques, est-ce que notre liberté, cette magnifique liberté qui nous permet d’émerger au-dessus des êtres de la nature sera finalement vaincue par la nature ? Je ne crois pas qu’on puisse éviter la question du sens.

On peut n’y pas faire attention, bien sûr, et nous sommes environnés de gens qui s’enlisent dans les sens partiels de l’existence : l’amour, l’amitié, la culture, le progrès économique et politique. Pascal dirait: ils se divertissent. Autrement dit, ils vivent de façon superficielle. On peut ne pas faire attention à la question fondamentale mais elle se pose irréductiblement dès que l’on fait attention.

François VARILLON.
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[1] Paul Valéry, Le Cimetière marin.

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