lundi 25 mai 2009

L'homme et la femme

Un jour qu'il dialoguait avec cette grande pionnière de la psychanalyse française qu'était Marie Bonaparte, il [Freud] lui confia:
L'immense interrogation restée sans réponse et à laquelle moi-même je n'ai jamais pu répondre malgré mes trente années d'étude de l'âme féminine est la suivante : "Que veut une femme ?"
Aujourd'hui, un siècle plus tard, la question du désir féminin demeure entière et se double d'une autre, tout aussi énigmatique sur l'éternel masculin, que je paraphraserai ainsi: "Que peut - et non "que veut" - un homme ?
La problématique de la femme est celle du vouloir, la problématique de l'homme est celle du pouvoir. Entendons-nous bien. Dans notre formule, le mot "pouvoir" n'est pas synonyme de puissance politique ou sociale, il exprime plutôt la conviction intime qu'éprouve un homme d'être capable d'accomplir une action. L'interrogation "Que peut un homme ?" condense toutes les variantes du doute masculin face à l'épreuve: "Serai-je à la hauteur de la tâche? Pourrai-je y parvenir? Suis-je suffisamment préparé ?" Je définirai l'angoisse masculine comme la crainte de ne pouvoir satisfaire l'attente de l'autre. Quel autre ? Avant tout une femme, ou encore tel homme investi d'une autorité.(...)

...l'homme d'aujourd'hui est un être désemparé qui n'a plus rien à offrir et se croit indigne d'amour. Il veut qu'on l'aime non pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il pourrait être, donner ou faire. En fait, pour un homme, le vrai pouvoir réside non pas dans la possession matérielle ou dans l'exercice d'une fonction hiérarchique, mais dans son aptitude à tirer de lui-même plus qu'il n'y a effectivement en lui. C'est cela le pouvoir : être capable de se surpasser, de se propulser vers l'avenir.

Juan-David NASIO, Un psychanalyste sur le divan, Paris, Payot & Rivages, 2002, pp. 75-76.

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