Mon blog propose à la lecture des poésies et des réflexions de différents auteurs, le plus souvent de langue française, et parfois de langue anglaise ou espagnole.
vendredi 31 décembre 2010
Bonne Année 2011 !
mais si tu veux veiller, c'est bien moi ton vouloir.
De toutes les splendeurs je me fais éclatant,
et me polis comme un silence plein d'étoiles
sur la cité merveilleuse du temps.
Rainer Maria RILKE, Livre d'Heures. 1899-1906
(Traduction Jean Chuzeville)
mercredi 29 décembre 2010
Enigme ou capital ...
Les tintamarres des hasards,
Vagues, nous armons nos démons
Dans l'entre-deux sournois des monts.
Au rivage que nous fermons
Dome un géant sur les limons.
Nous rampons à ses pieds, lézards.
Lui, sur son char tel un César
Alfred JARRY, Les Minutes de Sable Mémorial (1894)
mardi 28 décembre 2010
Colloque sentimental
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne ?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? - Non.
- Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
Paul VERLAINE, Fêtes galantes
lundi 27 décembre 2010
Vierge incertaine
Des larmes de statue oubliée et brisée,
Telle une douloureuse et mystique rosée,
Par qui se courbent les doux calices tremblants,
J'irai, ce soir, vers l'eau taciturne où bleuissent
De pâles fleurs, dans la triste mare d'azur,
Cueillir pour tes doigts longs l'iris antique et pur
Que les pleurs amoureux de la fontaine emplissent.
Ainsi, je t'aimerai dans ton droit vêtement,
Tes yeux morts dans les miens arrêtés longuement,
Avec ma fleur en tes mains vagues d'innocence;
Nous resterons longtemps muets, d'ombre voilés,
Et je t'adorerai sous ces bois violets
Où de pudiques lys grandissent en silence...
Paul VALERY (1891)
dimanche 26 décembre 2010
Hiver
Des tristes feuilles satinées,
Des roses, montent des senteurs
Fanées...
Dans les yeux coulent des pleurs
Et les douces larmes perlées
Glissent lentement dans les coeurs,
Fanées...
Dans l'âme des amants rêveurs
Courent les ivresses passées;
Leurs coeurs s'emplissent de douleurs
Fanées...
Jules SUPERVIELLE, Brumes du passé (1901)
vendredi 24 décembre 2010
Prayer for Peace
Almighty and merciful God, Father of all men, Creator and ruler of the universe, Lord of all history, whose designs are without blemish, whose compassion for the errors of men is inexhaustible, in your will is our peace. Mercifully hear this prayer which rises to you from the tumult and desperation of a world in which you are forgotten, in which your name is not invoked, your laws are derided and your presence is ignored. Because we do not know you, we have no peace. From the heart of an eternal silence, you have watched the rise of empires and have seen the smoke of their downfall. You have witnessed the impious fury of ten thousand fratricidal wars, in which great powers have torn whole continents to shreds in the name of peace and justice. (...) Grant light, grant strength and patience to all who work for peace. But grant us above all to see that our ways are not necessarily your ways, that we cannot fully penetrate the mystery of your designs and that the very storm of power now raging on this earth reveals your hidden will and your inscrutable decision. Grant us to see your face in the lightning of this cosmic storm, O God of holiness, merciful to men. Grant us to seek peace where it is truly found. In your will, O God, is our peace. Amen. Thomas Merton (1915-1968)
, Prayer for Peace |
jeudi 23 décembre 2010
A Garden Beyond Paradise
mercredi 22 décembre 2010
Reflets
mardi 21 décembre 2010
Amour triste
Je veux un amour triste ainsi qu'un ciel d'automne,
Un amour qui serait comme un bois planté d'ifs
Où dans la nuit le cor mélancolique sonne;
Je veux un amour triste ainsi qu'un ciel d'automne
Fait de remords très lents et de baisers furtifs.
Jean MOREAS
lundi 20 décembre 2010
Chanson de Mélisande
L'eau qui parle et l'eau qui fuit,
L'eau qui tremble dans la nuit...
L'anneau glisse et l'anneau luit,
L'anneau trouble l'eau qui fuit,
L'anneau tombe dans la nuit...
L'anneau tombe et la couronne,
Que les anges nous pardonnent!...
La couronne tombe aussi
Dans l'eau froide et dans la nuit...
Maurice MAETERLINCK, Serres chaudes (1889)
dimanche 19 décembre 2010
Dieu est amour
Denis VASSE, L'arbre de la voix.
samedi 11 décembre 2010
ALMS
A house where people come and go;
But it is winter with your love,
The sashes are beset with snow.
I light the lamp and lay the cloth,
I blow the coals to blaze again;
But it is winter with your love,
The frost is thick upon the pane.
I know a winter when it comes:
The leaves are listless on the boughs;
I watched your love a little while,
And brought my plants into the house.
I water them and turn them south,
I snap the dead brown from the stem;
But it is winter with your love, -
I only tend and water them.
There was a time I stood and watched
The small, ill-natured sparrows' fray;
I loved the beggar that I fed,
I cared for what he had to say,
I stood and watched him out of sight;
Today I reach around the door
And set a bowl upon the step;
My heart is what it was before,
But it is winter with your love;
I scatter crumbs upon the sill,
And close the window, - and the birds
May take or leave them, as they will.
Edna ST. VINCENT MILLAY, Second April
dimanche 28 novembre 2010
La Parole
Denis VASSE, L'arbre de la voix (2010)
jeudi 25 novembre 2010
Amor
Aldo NAOURI, Une place pour le père (1985)
vendredi 12 novembre 2010
Zone
Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge
Tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans
J'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps
Tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais
sangloter
Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté
Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918)
jeudi 11 novembre 2010
Novembre
Aux lèvres de l'aube
Le temps qui se sauve
La nuit qui descend
Le vent sur la terre
Les mains sur les haches
Le ciel qui se cache
Les coeurs grands ouverts
L'attente, l'attente
Le mal plus profond
La plaie plus au fond
Plus creuse, géante
La mer à combler
La saline à boire
La haine, la gloire
A désassembler
Les fruits de l'hiver
Le froid qui les brûle
Le feu dans nos rues
Le fer et l'enfer
Le mal de Novembre
Quel homme dira
Qu'il fut dans nos bras
Si dur et si tendre
Pierre SEGHERS (1942)
mardi 9 novembre 2010
Hymne de la Liberté
Lumière qui montais du silence et du sol
Tu faiblis, et dans le passé les pas se perdent
L'homme au soir des nations est seul. Les tyrans
Ont soumis jusqu'aux monts ultimes de l'histoire
Et réprimé le pouls des fleuves sous leur poids :
Leurs géantes statues défient la nuit géante
A leur front luit une escarboucle de malheur
Dont la lueur séduit la misère des hommes
Car un froid noir rayonne d'elle, et dans le sang
Allume les ardeurs sans nom de la ténèbre
Tandis qu'en haut avec la liberté le Ciel se meurt.
(...)
O mes frères dans les prisons vous êtes libres
Libres les yeux brûlés les membres enchaînés
Le visage troué les lèvres mutilées
Vous êtes ces arbres violents et torturés
Qui croissent plus puissants parce qu'on les émonde
Et sur tout le pays d'humaine destinée
Votre regard d'hommes vrais est sans limites
Votre silence est la paix terrible de l'éther.
Par-dessus les tyrans enroués de mutisme
Il y a la nef silencieuse de vos mains
Par-dessus l'ordre dérisoire des tyrans
Il y a l'ordre des nuées et des cieux vastes
Il y a la respiration des monts très bleus
Il y a les libres lointains de la prière
Il y a les larges fronts qui ne se courbent pas
Il y a les astres dans la liberté de leur essence
Il y a les immenses moissons du devenir
Il y a dans les tyrans une angoisse fatale
Qui est la liberté effroyable de Dieu.
Pierre EMMANUEL (Alger, 1942)
mardi 2 novembre 2010
Pensée des morts
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui s'élève
Et gémit dans le vallon,
Voilà l'errante hirondelle
Qui rase du bout de l'aile
L'eau dormante des marais,
Voilà l'enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.
C'est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants :
Ils tombent alors par mille,
Comme la plume inutile
Que l'aigle abandonne aux airs,
Lorsque des plumes nouvelles
Viennent réchauffer ses ailes
A l'approche des hivers.
C'est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu'à la lumière
Dieu n'a pas laissés mûrir !
Quoique jeune sur la terre,
Je suis déjà solitaire
Parmi ceux de ma saison,
Et quand je dis en moi-même :
Où sont ceux que mon coeur aime ?
Je regarde le gazon.
C'est un ami de l'enfance,
Qu'aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre coeur;
Il n'est plus; notre âme est veuve,
Il nous suit dans notre épreuve
Et nous dit avec pitié :
Ami, si ton âme est pleine,
De ta joie ou de ta peine
Qui portera la moitié ?
C'est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N'emporta qu'une pensée
De sa jeunesse au tombeau;
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu'elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu'attends-tu ? Je n'y suis pas !
C'est l'ombre pâle d'un père
Qui mourut en nous nommant;
C'est une soeur, c'est un frère,
Qui nous devance un moment;
Tous ceux enfin dont la vie
Un jour ou l'autre ravie,
Emporte une part de nous,
Murmurent sous la poussière :
Vous qui voyez la lumière,
Vous souvenez-vous de nous ?
Alphonse de LAMARTINE, Harmonies poétiques et religieuses (1830)
dimanche 31 octobre 2010
All Hallows Eve
André GIDE, Journal (23 juin 1930)
vendredi 29 octobre 2010
Mon coeur a plus d'amour ...
Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli;
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli;
Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire
Les mots où se répand le coeur mystérieux;
Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux;
Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours;
Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours;
Je puis maintenant dire aux rapides années :
- Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !
Allez-vous en avec vos fleurs toutes fanées;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !
Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !
Mon coeur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !
Victor HUGO, Les Chants du crépuscule (1835)
mardi 26 octobre 2010
A Prayer for My Daughter (fragment)
Under this cradle-hood and coverlid
My child sleeps on. There is no obstacle
But Gregory's wood and one bare hill
Whereby the haystack and roof-levelling wind,
Bred on the Atlantic, can be stayed;
And for an hour I have walked and prayed
Because of the great gloom that is in my mind.
I have walked and prayed for this young child an hour
And heard the sea-wind scream upon the tower,
And under the arches of the bridge, and scream
In the elms above the flooded stream;
Imagining in excited reverie
That the future years had come,
Dancing to a frienzied drum,
Out of the murderous innocence of the sea.
(...)
My mind, because the minds that I have loved,
The sort of beauty that I have approved,
Prosper but little, has dried up of late,
Yet knows that to be choked with hate
May well be of all evil chances chief.
If there's no hatred in a mind
Assault and battery of the wind
Can never tear the linnet from the leaf.
William Butler YEATS, Michael Robartes and the Dancer (1921)
lundi 20 septembre 2010
Dame souris
Noire dans le gris du soir...
Dame souris trotte,
Grise dans le noir.
Un nuage passe...
Il fait noir comme dans un four !
Un nuage passe,
Tiens, le petit jour !
Dame souris trotte,
Rose dans les rayons bleus...
Dame souris trotte,
Debout, paresseux !
Paul VERLAINE
dimanche 19 septembre 2010
Le sérieux de l'existence
Romano GUARDINI, Les fins dernières
samedi 18 septembre 2010
Lumière et poésie
Cesare PAVESE, Le métier de vivre
dimanche 12 septembre 2010
Oremus
Laissons donc de côté, oui, laissons de côté l'oubli de la vérité, rejetons l'ignorance et les ténèbres qui sont un obstacle sur la route comme un brouillard devant les yeux, et livrons-nous à la contemplation de Celui qui est réellement le Dieu véritable.
Clément d'Alexandrie, Protreptique, XI, 114.
samedi 11 septembre 2010
Justice.Vérité...
Si mes pensers les plus secrets
Ne froncèrent jamais votre sourcil farouche,
Et si les infâmes progrès,
Si la risée atroce, ou, plus atroce injure,
L'encens de hideux scélérats
Ont pénétré vos coeurs d'une longue blessure ;
Sauvez-moi. Conservez un bras
Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge.
Mourir sans vider mon carquois
Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange
Ces bourreaux barbouilleurs de lois !
Ces vers cadavéreux de la France asservie,
Égorgée ! O mon cher trésor,
O ma plume ! Fiel, bile, horreur. Dieux de ma vie!
Par vous seul je respire encor :
Comme la poix brûlante, agitée en ses veines
Ressuscite un flambeau mourant,
Je souffre ; mais je vis. Par vous, loin de mes peines,
D'espérance un vaste torrent
Me transporte. sans vous, comme un poison livide,
L'invisible dent du chagrin,
Mes amis opprimés, du menteur homicide
Les succès, le sceptre d'airain ;
Des bons proscrits par lui la mort ou la ruine,
L'opprobre de subir sa loi,
Tout eut tari ma vie ; ou, contre ma poitrine
Dirigé mon poignard. Mais quoi !
Nul ne resterait donc pour attendrir l'histoire
Sur tant de justes massacres.
Pour consoler leurs fils, leurs veuves, leur mémoire,
Pour que des brigands abhorrés
Frémissent aux portraits noirs de leur ressemblance ?
Pour descendre jusqu'aux enfers
Nouer le triple fouet, le fouet de la vengeance,
Déjà levé sur ces pervers ?
Pour cracher leurs noms, pour chanter leur supplice ?
Allons, étouffe tes clameurs ;
Souffre, o coeur gros de haine, affamé de justice ;
Toi, Vertu, pleure, si je meurs.
André CHENIER, Iambes (1)
____________________________
(1) Pour le texte complet, voir : http://fr.wikisource.org/wiki/%C2%AB_Comme_un_dernier_rayon_%C2%BB
samedi 28 août 2010
Pluie d'été
de gros grains de raisins sur ma vitre éclatés,
mon feuillage en fut ébloui.
Il a plu en moi, une pluie d'été,
des colombes d'argent de mes toits s'envolèrent,
ma terre a couru les pieds nus.
Il a plu en moi, une pluie d'été,
dans mon tramway en marche une femme a sauté,
ses jambes blanches aspergées.
Il a plu en moi, une pluie d'été,
qui n'a pu rafraîchir ma tristesse.
Il a plu en moi, une pluie d'été,
elle est tombée soudain, soudain s'est arrêtée.
La chaleur stagnante est restée
aveugle sur la voie aux rails déjà rouillés.
Nazim HIKMET (6 août 1960)
vendredi 27 août 2010
Where My Books go
And all the words that I write,
Must spread out their wings untiring,
And never rest in their flight,
Till they come where your sad, sad heart is,
And sing to you in the night,
Beyond where the waters are moving,
Storm-darken’d or starry bright.
William Butler YEATS
mercredi 25 août 2010
Passion et amour
Karl JASPERS, Initiation à la méthode philosophique
mardi 24 août 2010
Ebb
Since your love died:
It is like a hollow ledge
Holding a little pool
Left there by the tide,
A little tepid pool,
Drying inward from the edge.
Edna ST. VINCENT MILLAY, Second April
***
Reflux
Je sais à quoi ressemble mon coeur
Depuis que ton amour est mort:
Il ressemble à un rocher creux
Avec, dedans, une petite flaque d'eau
Que la marée y a laissée,
Une petite flaque d'eau tiède
Qui s'évapore à partir des bords.
(ma traduction)
lundi 23 août 2010
L'évidente nécessité de la mémoire
Le mot d'ordre est alors : "Souviens-toi", ce qu'au plan collectif on appelle aujourd'hui le devoir de mémoire.
Jean-Bertrand PONTALIS, Ce temps qui ne passe pas (1997)
dimanche 22 août 2010
Plainte d'un croyant
Je trouve deux hommes en moi :
L'un veut que, plein d'amour pour toi,
Mon coeur te soit toujours fidèle;
L'autre, à tes volontés rebelle,
Me révolte contre ta loi.
L'un, tout esprit et tout céleste,
Veut qu'au ciel sans cesse attaché,
Et des biens éternels touché,
Je compte pour rien tout le reste;
Et l'autre, par son poids funeste,
Me tient vers la terre penché.
Hélas ! en guerre avec moi-même,
Où pourrai-je trouver la paix ?
Je veux, et n'accomplis jamais.
Je veux, mais, ô misère extrême !
Je ne fais pas le bien que j'aime,
Et je fais le mal que je hais.
Ô grâce, ô rayon salutaire !
Viens me mettre avec moi d'accord,
Et domptant par un doux effort
Cet homme qui t'est si contraire,
Fais ton esclave volontaire
De cet esclave de la mort.
Jean RACINE
samedi 14 août 2010
La sincérité est le pari de l'homme
La vérité est-elle la dernière signification qu'il y ait, pour l'homme, dans le monde ? La sincérité est-elle l'exigence dernière ? Nous le croyons, car la véracité, sincère, sans arrière-pensée et incapable de se perdre en opinions, coïncide avec l'amour.
Karl JASPERS, Initiation a la méthode philosophique
vendredi 23 juillet 2010
Urgence
Andreï MAKINE, in le quotidien Izvestia
mercredi 21 juillet 2010
L'espace du rêve
Jean-Bertrand PONTALIS, Le Dormeur éveillé
mardi 20 juillet 2010
Hommage à la vie
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu,
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme
Dans un petit jardin,
D’avoir aimé la terre,
La lune et le soleil
Comme des familiers
Qui n’ont pas leurs pareils,
Et d’avoir confié
Le monde à sa mémoire
Comme un clair cavalier
A sa monture noire,
D’avoir donné visage
A ces mots : femme, enfants,
Et servi de rivage
A d’errants continents,
Et d’avoir atteint l’âme
A petits coups de rame
Pour ne l’effaroucher
D’une brusque approchée.
C’est beau d’avoir connu
L’ombre sous le feuillage
Et d’avoir senti l’âge
Ramper sur le corps nu,
Accompagné la peine
Du sang noir dans les veines
Et doré son silence
De l’étoile Patience,
Et d’avoir tous ces mots
Qui bougent dans la tête
De choisir les moins beaux
Pour leur faire un peu fête,
D’avoir senti la vie
Hâtive et mal aimée
De l’avoir enfermée
Dans cette poésie.
Jules SUPERVIELLE, Hommage à la Vie
lundi 12 juillet 2010
Il nous faudrait voir
Jean-Bertrand PONTALIS, Perdre de vue
jeudi 17 juin 2010
18 Juin 2010
O rendue à la paix Vaisseau sauvé des eaux
Pays qui chante Orléans Beaugency Vendôme
Cloches cloches sonnez l'angélus des oiseaux
Je vous salue ma France aux yeux de tourterelle
Jamais trop mon tourment mon amour jamais trop
Ma France mon ancienne et nouvelle querelle
Sol semé de héros ciel plein de passereaux
Je vous salue ma France où les vents se calmèrent
Ma France de toujours que la géographie
Ouvre comme une paume aux souffles de la mer
Pour que l'oiseau du large y vienne et se confie
Je vous salue ma France où l'oiseau de passage
De Lille à Roncevaux de Brest au Mont Cenis
Pour la première fois a fait l'apprentissage
De ce qu'il peut coûter d'abandonner un nid
Patrie également à la colombe ou l'aigle
De l'audace et du chant doublement habitée
Je vous salue ma France où les blés et les seigles
Mûrissent au soleil de la diversité ...
Heureuse et forte enfin qui portez pour écharpe
Cet arc-en-ciel témoin qu'il ne tonnera plus
Liberté dont frémit le silence des harpes
Ma France d'au-delà le déluge salut
Louis ARAGON, Le Musée Grévin
Pour le 70ème anniversaire de l'Appel du Général de Gaulle.
mercredi 16 juin 2010
Le droit de l'homme
Ce bébé, quel est son droit ? Quels sont ses droits ? Quel juriste peut mieux que sa mère répondre à cette question ? "Tu as tous les droits, mon fils. Tu as tous les droits sur moi, car je t'aime".
Son droit, c'est l'amour dont il est aimé; c'est aussi sa dignité. Alors qu'il est encore sans défense, sans revendication, sans parole. Ou plutôt qu'il s'exprime d'une façon que seul l'amour de sa mère qui l'aime peut comprendre. Seul cet amour peut le reconnaître et le faire reconnaître.
Le droit de l'homme, notre droit, c'est l'amour dont nous sommes aimés.
Jean-Marie LUSTIGER, Dieu merci, les droits de l'homme
mardi 15 juin 2010
I have no life but this
To lead it here;
Nor any death, but lest
Dispelled from there;
Nor tie to earths to come
Nor action new,
Except through this extent,
The realm of you.
....
Not knowing when the dawn will come
I open every door;
Or has it feathers like a bird,
Or billows like a shore ?
Emily DICKINSON, Selected Poems and letters (edited by Robert N. Linscott)
lundi 14 juin 2010
Chant d'automne (fragment)
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.
Courte tâche ! La tombe attend; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !
Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal
dimanche 13 juin 2010
Offrande
Et parce que tu n'as point de désirs, ô mon roi, tu ne prends point plaisir en tes richesses.
Et elles sont comme si elles n'étaient pas.
C'est pourquoi, à travers le temps qui coule si lent, tu me donnes ce qui est à toi, et sans cesse reconquiers en moi ton royaume.
Jour à jour tu demandes à mon coeur ton soleil levant, et tu trouves ton amour sculpté dans l'image de ma vie.
Rabindranath TAGORE, La Corbeille de fruits
samedi 12 juin 2010
Le Naufragé
Voyant le Phare fuir à travers la mâture,
Il est parti d'Egypte au lever de l'Arcture,
Fier de sa nef rapide aux flancs doublés d'airain.
Il ne reverra plus le môle Alexandrin.
Dans le sable où pas même un chevreau ne pâture
La tempête a creusé sa triste sépulture;
Le vent du large y tord quelque arbuste marin.
Au pli le plus profond de la mouvante dune,
En la nuit sans aurore et sans astre et sans lune,
Que le navigateur trouve enfin le repos.
O Terre, ô Mer, pitié pour son Ombre anxieuse !
Et sur la rive hellène où sont venus ses os,
Soyez-lui, toi, légère, et toi, silencieuse.
José-Maria de HEREDIA, Les Trophées (1893)
vendredi 11 juin 2010
Green
Et puis voici mon coeur, qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.
J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue, à vos pieds reposée,
Rêve des chers instants qui la délasseront.
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
Paul VERLAINE, Romances sans paroles, Aquarelles
mercredi 9 juin 2010
Humaniser
Gabriel MARCEL, Homo viator (1944)
mardi 8 juin 2010
Tu m'as trouvé ...
Comme un bizarre objet perdu dont nul ne peut dire l'usage
Comme l'algue sur un sextant qu'échoue à terre la marée
Comme à la fenêtre un brouillard qui ne demande qu'à entrer
Comme le désordre d'une chambre d'hôtel qu'on n'a pas faite
Un lendemain de carrefour dans les papiers gras de la fête
Un voyageur sans billet assis sur le marchepied du train
Un ruisseau dans leur champ détourné par les mauvais riverains
Une bête des bois que les autos ont prise dans leurs phares
Comme un veilleur de nuit qui s'en revient dans le matin blafard
Comme un rêve mal dissipé dans l'ombre noire des prisons
Comme l'affolement d'un oiseau fourvoyé dans la maison
Comme au doigt de l'amant trahi la marque rouge d'une bague
Une voiture abandonnée au beau milieu d'un terrain vague
Comme une lettre déchirée éparpillée au vent des rues
Comme le hâle sur les mains qu'a laissé l'été disparu
Comme le regard égaré de l'être qui voit qu'il s'égare
Comme les bagages laissés en souffrance dans une gare
Comme une porte quelque part ou peut-être un volet qui bat
Le sillon pareil du coeur et de l'arbre où la foudre tomba
Une pierre au bord de la route en souvenir de quelque chose
Un mal qui n'en finit pas plus que la couleur des ecchymoses
Comme au loin sur la mer la sirène inutile d'un bateau
Comme longtemps après dans la chair la mémoire du couteau
Comme le cheval échappé qui boit l'eau sale d'une mare
Comme un oreiller dévasté par une nuit de cauchemars
Comme une injure au soleil avec de la paille dans les yeux
Comme la colère à revoir que rien n'a changé sous les cieux
Tu m'as trouvé dans la nuit comme une parole irréparable
Comme un vagabond pour dormir qui s'était couché dans l'étable
Comme un chien qui porte un collier aux intiales d'autrui
Un homme des jours d'autrefois empli de fureur et de bruit
Louis ARAGON, Le Roman inachevé (1956)
mercredi 2 juin 2010
The Shepherd
From the morn to the evening he strays :
He shall follow his sheep all the day
And his tongue shall be filled with praise.
For he hears the lambs innocent call.
And he hears the ewes tender reply.
He is watchful while they are in peace,
For they know when their Shepherd is nigh.
William BLAKE, Song of Innocence and of Experience
Qu'il est doux le doux sort du Berger,
Du matin au soir il bat la campagne :
Tout le jour il suit ses moutons
Et sa bouche est emplie de louanges.
Car il entend l'appel innocent des agneaux.
Et il entend la tendre réponse des brebis.
Il veille et ils sont en paix
Car ils savent que leur Berger est auprès d'eux.
(ma traduction littérale)
mardi 1 juin 2010
L'inter-dit
Alain BADIOU, Eloge de l'amour
dimanche 30 mai 2010
Aux travailleuses
Nulle poésie concernant le peuple n'est authentique si la fatigue n'y est pas, et la faim et la soif issues de la fatigue.
Simone WEIL, La Pesanteur et la Grâce
samedi 29 mai 2010
Adoration
ton corps dispense l'ivresse fraîche et bonne :
neige et roses.
Rosée dans la forêt de mai, merisiers près de la source
n'ont pas de plus doux parfum
que tes lèvres parfumées.
Splendeur éblouissante de l'être -
vois la poussière où tu marches
avec adoration baiser
le balbutiant
esclave.
Vilhelm EKELUND (1880-1940)
vendredi 28 mai 2010
La dernière douane
n'est plus le père de la musique
depuis que la parole a fini d'avouer
qu'elle ne nous conduit qu'au silence
les gouttières pleurent
il fait noir et il pleut
Dans l'oubli des noms et des souvenirs
il reste quelque chose à dire
entre cette pluie et Celle qu'on attend
entre le sarcasme et le testament
entre les trois coups de l'horloge
et les deux battements du sang
Mais par où commencer
depuis que le midi du pré
refuse de dire pourquoi
nous ne comprenons la simplicité
que quand le coeur se brise
Nicolas BOUVIER, Le dehors et le dedans (Genève, avril 1983)
jeudi 27 mai 2010
La joie
Je l'ai reconnue par éclairs, et son souffle incertain, en venant jusqu'à moi, a parfumé un instant mes pensées.
Un jour, je la rencontrerai en dehors de moi, la joie qui habite derrière l'écran de lumière - je serai dans la submergeante solitude, où toutes choses sont vues comme par leur créateur.
Rabindranath TAGORE, La corbeille de fruits
mercredi 26 mai 2010
La rose
Dehors sous la pluie printanière j'ai bu le désir,
dehors sous le soleil j'ai bu le feu -
maintenant je suis ouverte et j'attends.
Edith SODERGRAN, le Pays qui n'est pas, trad. fçse. par Pierre Naert (1954)
mardi 25 mai 2010
Attente
Qui se prend pour une statue,
Elle allonge le bras, bizarre,
Ridé, qui se veut de Carrare.
Sa tête et son coeur savent bien
Que les voilà marmoréens,
Et l'on comprend qu'elle est très fière
De se sentir Vénus de pierre.
Elle attend les adorateurs
Qui viendront lui montrer leur coeur;
Et, tournant les yeux vers la porte,
De ses yeux pointus les exhorte
A s'approcher de sa blancheur,
Mais elle est noire à faire peur.
Jules SUPERVIELLE, La Fable du monde
lundi 24 mai 2010
Love song III
ne sera plus ton affaire
quand le rouge du sorbier et la cambrure des filles
ne te feront plus regretter ta jeunesse
quand un nouveau visage tout écorné d'absence
ne fera plus trembler ce que tu croyais solide
quand le froid aura pris congé du froid
et l'oubli dit adieu à l'oubli
quand tout aura revêtu la silencieuse opacité du
houx
ce jour-là
quelqu'un t'attendra au bord du chemin
pour te dire que c'était bien ainsi
que tu devais terminer ton voyage
démuni
tout à fait démuni
Nicolas BOUVIER, Le dehors et le dedans
dimanche 23 mai 2010
Esprit Saint
Saint SYMEON, Introduction aux hymnes de l'Amour divin
samedi 22 mai 2010
La Cordillera de los Andes
L'horizon d'abord disparaît.
Les nuages ne sont pas tous plus hauts que nous.
Infiniment et sans accidents, ce sont, où nous sommes,
Les hauts plateaux des Andes qui s'étendent, qui
s'étendent.
Le sol est noir et sans accueil.
Un sol venu du dedans.
Il ne s'intéresse pas aux plantes.
C'est une terre volcanique.
Nu ! et les maisons noires par-dessus,
Lui laissent tout son nu;
Le nu noir du mauvais.
Qui n'aime pas les nuages,
Qu'il ne vienne pas à l'Equateur.
Ce sont les chiens fidèles de la montagne,
Grands chiens fidèles;
Couronnent hautement l'horizon;
L'altitude du lieu est de 3000 mètres, qu'ils disent,
Est dangereuse qu'ils disent, pour le coeur, pour la
respiration, pour l'estomac
Et pour le corps tout entier de l'étranger.
Trapus, brachycéphales, à petits pas,
Lourdement chargés marchent les Indiens dans cette
ville, collée dans un cratère de de nuages.
Où va-t-il, ce pélerinage voûté ?
Il se croise et s'entrecroise et monte; rien de plus :
c'est la vie quotidienne.
Quito et ses montagnes.
Elles tombent sur lui, puis s'étonnent, se retiennent,
calment leurs langues ! c'est chemin; sur ce, on
les pave.
Nous fumons tous ici l'opium de la grande altitude,
voix basse, petits pas, petit souffle.
Peu se disputent les chiens, peu les enfants, peu rient.
Henri MICHAUX, Qui je fus in L'espace du dedans (1927)
mardi 11 mai 2010
Mutability
The flower that smiles to-day
To-morrow dies;
All that we wish to stay
Tempts and then flies.
What is this world's delight ?
Lightning that mocks the night,
Brief even as bright.
II
Virtue, how frail it is !
Friendship how rare !
Love, how it sells poor bliss
For proud despair !
But we, though soon they fall,
Survive their joy, and all
Which ours we call.
III
Whilst skies are blue and bright,
Whilst flowers are gay,
Whilst eyes that change ere night
Make glad the day;
Whilst yet the calm hours creep,
Dream thou - and from thy sleep
Then wake to weep.
Percy Bysshe SHELLEY, Posthumous Poems (1824)
lundi 10 mai 2010
La solitude est verte
La solitude est verte en des landes hantées
Comme chansons du vent aux provinces chantées
Comme le souvenir lié à l'abandon.
La solitude est verte.
Verte comme verveine au parfum jardinier
Comme mousse crépue au bord de la fontaine
Et comme le poisson messager des sirènes,
Verte comme la science au front de l'écolier.
La solitude est verte.
Verte comme la pomme en sa simplicité,
Comme la grenouille, coeur glacé des vacances,
Verte comme tes yeux de désobéissance,
Verte comme l'exil où l'amour m'a jeté.
La solitude est verte.
Louise de VILMORIN, Le Sable du sablier (1945)
dimanche 9 mai 2010
Fête des Mères
Marie, dans cette étonnante parole, est en train de fonder la foi.
France QUERE, Marie
samedi 8 mai 2010
Je vous salue, ma France
O rendue à la paix Vaisseau sauvé des eaux
Pays qui chante Orléans Beaugency Vendôme
Cloches cloches sonnez l'angélus des oiseaux
Je vous salue ma France aux yeux de tourterelle
Jamais trop mon tourment mon amour jamais trop
Ma France mon ancienne et nouvelle querelle
Sol semé de héros ciel plein de passereaux
Je vous salue ma France où les vents se calmèrent
Ma France de toujours que la géographie
Ouvre comme une paume aux souffles de la mer
Pour que l'oiseau du large y vienne et se confie
Je vous salue ma France où l'oiseau de passage
De Lille à Roncevaux de Brest au Mont Cenis
Pour la première fois a fait l'apprentissage
De ce qu'il peut coûter d'abandonner un nid
Patrie également à la colombe ou l'aigle
De l'audace et du chant doublement habitée
Je vous salue ma France où les blés et les seigles
Mûrissent au soleil de la diversité...
Heureuse et forte enfin qui portez pour écharpe
Cet arc-en-ciel témoin qu'il ne tonnera plus
Liberté dont frémit le silence des harpes
Ma France d'au-delà le déluge salut
Louis ARAGON, Le Musée Grévin
jeudi 6 mai 2010
Complainte-Epitaphe
Mon âme :
Ah ! quels
Appels !
Pastels
Mortels,
Qu'on blâme
Mes gammes !
Un fou
S'avance,
Et danse.
Silence...
Lui, où ?
Coucou.
Jules LAFORGUE, Les Complaintes
mercredi 5 mai 2010
L'extase
Comme un enfant devant le feu
Souriant vaguement et les larmes aux yeux
Devant ce paysage où tout remue en moi
Où des miroirs s'embuent où des miroirs s'éclairent
Reflétant deux corps nus saison contre saison
J'ai tant de raisons de me perdre
Sur cette terre sans chemins et sous ce ciel sans horizon
Belles raisons que j'ignorais hier
Et que je n'oublierai jamais
Belles clés des regards clés filles d'elles-mêmes
Devant ce paysage où la nature est mienne
Devant le feu le premier feu
Bonne raison maîtresse
Etoile identifiée
Et sur la terre et sous le ciel hors de mon coeur et dans mon coeur
Second bourgeon première feuille verte
Que la mer couvre de ses ailes
Et le soleil au bout de tout venant de nous
Je suis devant ce paysage féminin
Comme une branche dans le feu.
Paul ELUARD, Le Temps déborde (24 novembre 1946)
lundi 3 mai 2010
Eternité
Alain BADIOU, Eloge de l'amour
dimanche 2 mai 2010
Contradictions
Saint Grégoire de Nysse, Patrologia Graeca
mercredi 28 avril 2010
Le bonheur
Pierre TEILHARD de CHARDIN, Réflexions sur le bonheur (1943)
mardi 27 avril 2010
The Tuft of Flowers
Who mowed it in the dew before the sun.
The dew was gone that made his blade so keen
Before I came to view the levelled scene.
I looked for him behind an isle of trees;
I listened for his whetstone on the breeze.
But he had gone his way, the grass all mown,
And I must be, as he had been, - alone,
“As all must be,” I said within my heart,
“Whether they work together or apart.”
But as I said it, swift there passed me by
On noiseless wing a bewildered butterfly,
Seeking with memories grown dim o’er night
Some resting flower of yesterday’s delight.
And once I marked his flight go round and round,
As where some flower lay withering on the ground.
And then he flew as far as eye could see,
And then on tremulous wing came back to me.
I thought of questions that have no reply,
And would have turned to toss the grass to dry;
But he turned first, and led my eye to look
At a tall tuft of flowers beside a brook,
And leaping tongue of bloom the scythe had spared
Beside a reedy brook the scythe had bared.
The mower in the dew had loved them thus,
By leaving them to flourish, not for us,
Nor yet to draw one thought of ours to him,
But from sheer morning gladness at the brim.
The butterfly and I had lit upon,
Nevertheless, a message from the dawn,
That made me hear the wakening birds around,
And hear his long scythe whispering to the ground,
And feel a spirit kindred to my own;
So that henceforth I worked no more alone;
But glad with him, I worked as with his aid,
And weary, sought at noon with him the shade;
And dreaming, as it were, held brotherly speech
With one whose thought I had not hoped to reach.
“Men work together,” I told him from the heart,
“Whether they work together or apart.”
Robert FROST, A Boy’s Will
La Touffe de fleurs (fragment)
Un jour je suis allé retourner l’herbe
Après que quelqu’un l’eut fauchée
Toute couverte de rosée
Avant le lever du soleil.
La rosée qui rendait sa lame si tranchante
S’était évaporée
Avant que je n’arrive
Devant ce paysage nivelé.
Je le cherchai des yeux derrière un îlot d’arbres,
Et je tendis l’oreille
Pour entendre le crissement
De sa pierre à affûter dans le vent.
Mais, une fois toute l’herbe fauchée,
Il s’en était allé de son côté,
Et j’allais être
Comme lui—même – seul.
Mais, à l’instant précis où je disais cela,
Voici que, rapide, passa tout près de moi,
Sur des ailes silencieuses,
Un papillon éberlué,
Cherchant parmi des souvenirs
Que la nuit avait fait pâlir
Quelque fleur accueillante,
Qui avait fait sa joie hier.
Je l’observai une fois qui tournait en rond
Autour du même endroit,
Comme s’il y avait eu là
Quelque fleur flétrie couchée sur le sol.
Puis il s’envola aussi loin
Que le regard pouvait le suivre,
Puis, d’une aile tremblante,
Il s’en revint vers moi.
dimanche 25 avril 2010
Croire
(...)
C’est en face de quelqu’un, en face de quelqu’un qui est autre, qu’un choix est à faire, qu’un risque est à prendre : croire ou ne pas croire que j’ai à chercher avec lui, en lui parlant et en l’écoutant, parce que la vérité qui inspire ma recherche et la sienne (que nous en soyons conscients ou non) veut que nous progressions dans sa connaissance par le chemin de ce dialogue. Croire en l’autre, en ce « tu » qui me parle, c’est m’ouvrir à la vérité et l’appeler, lui aussi, à s’y ouvrir ; c’est chercher la vérité et en témoigner. L’incroyant, lui, est celui qui se referme sur son moi. »
Marc-François LACAN, Dieu n'est pas un assureur
mercredi 21 avril 2010
L'attention
Simone WEIL, La Pesanteur et la Grâce
dimanche 18 avril 2010
La sagesse
Michel HENRY, Auto-donation
samedi 17 avril 2010
La musique
Vers la pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l'immense gouffre
Me bercent. - D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !
Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal
mercredi 14 avril 2010
Déprise
Jean-Bertrand PONTALIS, Le Dormeur éveillé
mardi 13 avril 2010
Marie (Sonnet)
Dans les bois va s'épanouir,
Au premier souffle du zéphyr
Elle sourit avec mystère;
Et sa tige fraîche et légère,
Sentant son calice s'ouvrir,
Jusque dans le sein de la terre
Frémit de joie et de désir.
Ainsi, quand ma douce Marie
Entr'ouvre sa lèvre chérie,
Et lève, en chantant, ses yeux bleus,
Dans l'harmonie et la lumière
Son âme semble tout entière
Monter en tremblant vers les cieux.
Alfred de MUSSET, Poésies nouvelles (1842)
lundi 12 avril 2010
Le courage de vivre
Michel HENRY, Auto-donation
dimanche 11 avril 2010
La fleur du coeur
Il est une fleur
Sans couleur encore.
Seigneur, c'est la tienne !
C'est Toi qui l'as mise
Au profond du coeur,
Toi qui l'as nommée :
La fleur d'églantine !
Ses épines blessent
A sang notre coeur.
Et le coeur demande :
"Pourquoi cette fleur ?"
Le Seigneur répond :
"Le sang de ton coeur
Teindra l'églantine.
Ainsi auras-tu
La couleur du sang.
Ainsi en beauté
Tu m'approcheras."
Carl Jonas Love ALMQVIST, Songes (1793-1866)
mercredi 7 avril 2010
Souvenir
De tous les vents mon préféré
Parce qu'il promet aux marins
Haleine ardente et traversée heureuse.
Pars donc et porte mon salut
A la belle Garonne
Et aux jardins de Bordeaux, là-bas
Où le sentier sur la rive abrupte
S'allonge, où le ruisseau profondément
Choit dans le fleuve, mais au-dessus
Regarde au loin un noble couple
De chênes et de trembles d'argent.
Je m'en souviens encore, et je revois
Ces larges cimes que penche
Sur le moulin la forêt d'ormes,
Mais dans la cour, c'est un figuier qui croît.
Là vont aux jours de fête
Les femmes brunes
Sur le sol doux comme une soie,
Au temps de mars,
Quand la nuit et le jour sont de même longueur,
Quand sur les lents sentiers
Avec son faix léger de rêves
Brillants, glisse le bercement des brises.
(...)
Mais vers les Indes à cette heure
Ils sont partis, ayant quitté
Là-bas, livrée aux vents, la pointe extrême
Des montagnes de raisin d'où la Dordogne
Descend, où débouchent le fleuve et la royale
Garonne, larges comme la mer, leurs eaux unies.
La mer enlève et rend la mémoire, l'amour
De ses yeux jamais las fixe et contemple,
Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure.
Hölderlin, Hymnes
lundi 5 avril 2010
Renouveau
Dans la vie, il n'y a pas de retour. Beauté de ce rythme discordant - sur le retour périodique des saisons, la progression des années qui colorent de façon toujours différente un thème semblable - mesure et invention, constance et découverte - l'âge est une accumulation de choses semblables que l'on enrichit et que l'on approfondit de plus en plus.
Cesare PAVESE, Le métier de vivre (30 mars 1948)
dimanche 4 avril 2010
Joyeuses Pâques !
F. X. DURRWELL, La Résurrection de Jésus mystère de salut, Le Puy, Lyon, Paris, Editions Xavier Mappus, 1963, p. 165.
samedi 3 avril 2010
Recueillement
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;
Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal (1861)
vendredi 2 avril 2010
Mystère douloureux
Simone WEIL, La connaissance surnaturelle
mardi 30 mars 2010
Elégie
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.
Alfred de MUSSET, Poésies nouvelles
lundi 29 mars 2010
Timidité
Basta-me um pequeno gesto,
feito de longe e de leve,
para que venhas comigo
e eu para sempre te leve...
- mas só esse eu não farei.
Uma palavra caída
das montanhas dos instantes
desmancha todos os mares
e une as terras mais distantes...
- palavra que não direi.
Para que tu me adivinhes,
entre os ventos taciturnos,
apago meus pensamentos,
ponho vestidos noturnos,
- que amargamente inventei.
E, enquanto não me descobres,
os mundos vão navegando
nos ares certos do tempo,
até não se sabe quando...
e um dia me acabarei.
Cecília MEIRELES, Timidez
dimanche 28 mars 2010
Lumière du Monde
Pierre TEILHARD DE CHARDIN, La Messe sur le Monde (1965)
samedi 27 mars 2010
Paroles pour un hymne ancien
Le silence saint de la nuit ?
Vents, vagues, monts, vallées,
Tout se tait, tout est calme.
C'est alors que monte du coeur
La prière silencieuse :
A moi aussi, ô Père, accorde
La paix des innocents !
Erik Gustaf GEIJER (1783-1847)
vendredi 26 mars 2010
Paradoxe de l'amour
Marguerite YOURCENAR, Feux (1957)
jeudi 25 mars 2010
JAMAIS
Résonnait de Schubert la plaintive musique ;
Jamais, avez-vous dit, tandis que, malgré vous,
Brillait de vos grands yeux l’azur mélancolique.
Jamais, répétiez-vous, pâle et d’un air si doux
Qu’on eût cru voir sourire une médaille antique.
Mais des trésors secrets l’instinct fier et pudique
Vous couvrit de rougeur, comme un voile jaloux.
Quel mot vous prononcez, marquise, et quel dommage !
Hélas ! je ne voyais ni ce charmant visage,
Ni ce divin sourire, en vous parlant d’aimer.
Vos yeux bleus sont moins doux que votre âme n’est belle.
Même en les regardant, je ne regrettais qu’elle,
Et de voir dans sa fleur un tel cœur se fermer.
Alfred de MUSSET, Poésies nouvelles (1839)
mercredi 24 mars 2010
mardi 23 mars 2010
Elle
M'étais-je murmuré sans te le dire
En t'accueillant dans mon regard si bien
Lavé au vent salubre de ton rire
Qui s'emparait de moi jusqu'aux confins
Moi l'incertaine emplie toute soudain
D'une présence extatique moi-même
Plénitude qui me venait d'être connue
Comme la nuit l'est du matin qui la dissipe
Quel calme unifiant régnait sur ce matin
En suspens à n'en pas finir d'être joyeuse
Tant que l'étoile ferait signe du lointain.
Pierre EMMANUEL, Duel (1979)
dimanche 21 mars 2010
Misère de l'homme ...
Simone WEIL, La Pesanteur et la Grâce
vendredi 19 mars 2010
Plus beau que tout
L'excès d'amour dont le ciel est gonflé
emplit les airs d'une sombre clarté
qui vers la terre s'achemine
et s'en vient baigner
les toits des chaumines.
Tout est tendresse. On dirait que des mains
d'une douceur extrême vous caressent.
Tout est proche et tout est lointain.
Tout vous prodigue ses richesses
comme un prêt soudain
fait à l'être humain.
Tout m'appartient et tout va cependant
m'être enlevé dans un très court instant :
arbre, nuage et jusqu'à ce sentier
où je suis mes songes fugaces.
Seul, je vais errer
sans laisser de traces.
Pär LAGERKVIST (1891)
traduct. J.-V. Pellerin
jeudi 18 mars 2010
La vie humaine
Grégoire de NAZIANZE
mercredi 17 mars 2010
Que serais-je sans toi
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.
J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson.
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.
J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne
Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues.
Louis ARAGON, Le roman inachevé
lundi 15 mars 2010
L'amour, la mort
Marguerite YOURCENAR, Feux (1957)
dimanche 14 mars 2010
Le temps
Simone WEIL, La connaissance surnaturelle
vendredi 12 mars 2010
La Fileuse
Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline;
Le rouet ancien qui ronfle l'a grisée.
Lasse, ayant bu l'azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s'incline.
Un arbuste et l'air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l'oisive.
Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.
Mais la dormeuse file une laine isolée;
Mystérieusement l'ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse ...
Derrière tant de fleurs, l'azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
Ta soeur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir ... Tu es éteinte
Au bleu de la croisée où tu filais la laine.
Paul VALERY, Album de vers anciens
mercredi 10 mars 2010
Sonnet
My love, and not I, is the egoist.
My love for thee loves itself more than thee;
Ay, more than me, in whom it doth exist,
And makes me live that it may feed on me.
In the country of bridges the bridge is
More real than the shores it doth unsever;
So in our world, all of Relation, this
Is true - that truer is Love than either lover.
This thought therefore comes lightly to Doubt's door -
If we, seeing substance of this world, are not
Mere Intervals, God's Absence and no more,
Hollows in real Consciousness and Thought.
And if 'tis possible to Thought to bear this fruit,
Why should it not be possible to Truth ?
Fernando PESSOA, 35 Sonnets in Poemas Ingleses
***
O meu amor, não eu, é egoísta,
Que mais se ama a si do que a ti ;
Ai, mais do que a mim, onde ele existe,
E dá-me vida para o sustentar.
Na pátria das pontes, uma ponte
É mais real que as margens que reúne ;
E, neste mundo de Relação, isto
É vero : ser mais vero amor que amante.
Aceita pois a dúvida sejamos
Nós, do mundo a vidente substância,
Mero Intervalo, Ausência de Deus, nada –
Vazios na real Consciência abertos.
E se tal fruto o Pensamento sofre,
Certamente a Verdade há-de aceitá-lo.
Trad. de Adolfo Casais Monteiro
lundi 8 mars 2010
Lui
Ce n'est pas toi qui m'auras foudroyé
Mais un Principe en toi que tu ignores
Et qu'il est digne et juste que j'adore
Lorsque tu crois que je tombe à tes pieds
Je te regarde et déjà je t'oublie
Sans ton image apprendre à méditer
Ce qui procède en toi d'une Beauté
Dont par orgueil tu te refuses la lumière
Parce que ce halo de faiblesse à tes yeux
Nimbe un geste de confiance une tendresse
Que ton esprit ne peut imposer à ce corps
Qui n'a de féminin pour l'homme que la mort.
Pierre EMMANUEL, Duel (1979)
dimanche 7 mars 2010
La foi
Ce n'est pas encore la bonne expression.
La foi est croire que la réalité est amour et rien d'autre.
Simone WEIL, La connaissance surnaturelle
vendredi 5 mars 2010
L'amour
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées (1984)
mercredi 3 mars 2010
Un jour de spleen ...
The woman is perfected
Her dead
Body wears the smile of accomplishment,
The illusion of a Greek necessity
Flows in the scrolls of her toga,
Her bare
Feet seem to be saying:
We have come so far, it is over.
Each dead child coiled, a white serpent,
One at each little
Pitcher of milk, now empty
She has folded
Them back into her body as petals
Of a rose close when the garden
Stiffens and odors bleed
From the sweet, deep throats of the night flower.
The moon has nothing to be sad about,
Staring from her hood of bone.
She is used to this sort of thing.
Her blacks crackle and drag.
Sylvia PLATH (Feb. 5, 1963)
lundi 1 mars 2010
Les colchiques (fragment)
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
Guillaume APOLLINAIRE, Alcools
dimanche 28 février 2010
Le bruit
qui empêche d'entendre
la voix de Dieu
n'est pas,
vraiment pas,
le brouhaha des hommes
ou la trépidation des villes,
et encore moins
le frémissement des vents
ou le murmure des eaux...
Le bruit
qui étouffe
la voix divine,
c'est le tumulte intérieur
de l'amour-propre froissé,
du soupçon qui s'éveille,
de l'ambition qui ne s'endort jamais ...
Dom Helder CAMARA, Mille raisons pour vivre (31 juilllet 1970)
samedi 27 février 2010
Ô douleurs de l'amour !
Comme vous m'êtes nécessaires et comme vous m'êtes chères.
Mes yeux qui se ferment sur des larmes imaginaires, mes mains qui se tendent sans cesse vers le vide.
J'ai rêvé cette nuit de paysages insensés et d'aventures dangereuses aussi bien du point de vue de la mort que du point de vue de la vie qui sont aussi le point de vue de l'amour.
Au réveil vous étiez présentes, ô douleurs de l'amour, ô muses du désert, ô muses exigeantes.
Robert DESNOS, A la mystérieuse (1926)
vendredi 26 février 2010
Rondeau
A voir Manon dans mes bras sommeiller ?
Son front coquet parfume l'oreiller;
Dans son beau sein j'entends son coeur qui veille.
Un songe passe, et s'en vient l'égayer.
Ainsi s'endort une fleur d'églantier,
Dans son calice enfermant une abeille.
Moi, je la berce; un plus charmant métier
Fut-il jamais ?
Mais le jour vient, et l'Aurore vermeille
Effeuille au vent son bouquet printanier.
Le peigne en main et la perle à l'oreille,
A son miroir Manon court m'oublier.
Hélas ! l'amour sans lendemain ni veille
Fut-il jamais ?
Alfred de MUSSET, Poésies nouvelles (1842)
dimanche 21 février 2010
From "Under Milk Wood"
Dear Lord, a little prayer I make,
O please to keep Thy lovely eye
On all poor creatures born to die.
And every evening at sun-down
I ask a blessing on the town,
For whether we last the night or no
I'm sure is always touch-and-go.
We are not wholly bad or good
Who live our lives under Milk Wood,
And Thou, I know, wilt be the first
To see our best side, not our worst.
O let us see another day !
Bless us this night, I pray,
And to the sun we all will bow
And say, good-bye-but just for now !
Dylan THOMAS, Under Milk Wood (1914-1953)
samedi 20 février 2010
Savoir ne pas savoir
Denis VASSE, Le temps du désir
vendredi 12 février 2010
J'aime l'âne ...
marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles ;
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.
Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.
Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
Jeune fille au doux cœur,
tu n’as pas sa douceur :
car il est devant Dieu
l’âne doux du ciel bleu.
Et il reste à l’étable,
fatigué, misérable,
ayant bien fatigué
ses pauvres petits pieds.
Il a fait son devoir
du matin jusqu’au soir.
Qu’as-tu fait jeune fille ?
Tu as tiré l’aiguille …
Mais l’âne s’est blessé :
la mouche l’a piqué.
Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.
Qu’as-tu mangé petite ?
- T’as mangé des cerises.
L’âne n’a pas eu d’orge,
car le maître est trop pauvre,
Il a sucé la corde,
puis a dormi dans l’ombre …
La corde de ton cœur
n’a pas cette douceur.
Il est l’âne si doux
marchant le long des houx.
J’ai le cœur ulcéré :
ce mot-là te plairait.
Dis-moi donc, ma chérie,
si je pleure ou je ris ?
Va trouver le vieil âne,
et dis-lui que mon âme
est sur les grands chemins,
comme lui le matin.
Demande-lui, chérie,
si je pleure ou je ris ?
Je doute qu’il réponde :
il marchera dans l’ombre,
crevé par la douceur,
sur le chemin en fleurs.
Francis JAMMES, De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir
jeudi 11 février 2010
Ma morte vivante (fragment)
J'attends personne ne viendra
Ni de jour ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même
Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière
Ma bouche s'est séparée de ta bouche
Ma bouche s'est séparée du plaisir
Et du sens de l'amour et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n'avanceront plus il n'y a plus de routes
Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos
Il m'est donné de voir ma vie finir
...
Ma vie en ton pouvoir
Que j'ai crue infinie
...
J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.
Paul ELUARD, Le temps déborde (1947)
mercredi 10 février 2010
Odelette
Pour faire frémir l'herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Et le ruisseau qui chante aussi;
Un petit roseau m'a suffi
A faire chanter la forêt.
Ceux qui passent l'ont entendu
Au fond du soir, en leurs pensées,
Dans le silence et dans le vent,
Clair ou perdu,
Proche ou lointain...
Ceux qui passent, en leurs pensées,
En écoutant, au fond d'eux-mêmes
L'entendront encore et l'entendent
Toujours qui chante.
Il m'a suffi
De ce petit roseau cueilli,
A la fontaine où vint l'Amour
Mirer, un jour,
Sa face grave
Et qui pleurait,
Pour faire pleurer ceux qui passent
Et trembler l'herbe et frémir l'eau;
Et j'ai, du souffle d'un roseau,
Fait chanter toute la forêt.
Henri de REGNIER, Les jeux rustiques et divins
lundi 8 février 2010
Le rideau de ma voisine
Le rideau de ma voisine
Se soulève lentement.
Elle va, je l'imagine,
Prendre l'air un moment.
On entr'ouvre la fenêtre :
Je sens mon coeur palpiter.
Elle veut savoir peut-être
Si je suis à guetter.
Mais, hélas ! ce n'est qu'un rêve;
Ma voisine aime un lourdaud,
Et c'est le vent qui soulève
Le coin de son rideau.
Alfred de MUSSET, Poésies nouvelles
Simple voeu
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi des livres,
Des amis en toute saison,
Sans lesquels je ne peux pas vivre
Guillaume APOLLINAIRE, Bestiaire
dimanche 7 février 2010
Désir d'éternité
Romano GUARDINI, Les fins dernières
samedi 6 février 2010
César
vendredi 5 février 2010
Para el alma imposible de mi amada
Amada : no has querido plasmarte jamás
Quédate en la hostia,
ciega e impalpable,
como existe Dios.
Si he cantado mucho, he llorado más
por ti ¡ oh mi parabola excelsa de amor !
Quédate en el seso,
y en el mito inmenso
de mi corazón !
Es la fe, la fragua donde yo quemé
el terroso hierro de tanta mujer ;
y en un yunque impío te quise pulir.
Quédate en la eterna
nebulosa, ahí,
en la multicencia de un dulce noser.
Y si no has querido plasmarte jamás
en mi metafísica emoción de amor,
deja que me azote,
como un pecador.
César VALLEJO, Los heraldos negros (1918)
jeudi 4 février 2010
Mon frère
Comme le scorpion, mon frère
Tu es comme le scopion
Dans une nuit d’épouvante,
Comme le moineau, mon frère
Tu es comme le moineau
Dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère,
Comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
Tu n’es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
Nazim HIKMET, Anthologie poétique (1948)
mercredi 3 février 2010
La chanson d'Eviradnus
Montons sur deux palefrois;
Tu m'emmènes, je t'enlève.
L'oiseau chante dans les bois.
Je suis ton maître et ta proie,
Partons, c'est la fin du jour;
Mon cheval sera la joie,
Ton cheval sera l'amour.
Nous ferons toucher leurs têtes;
Les voyages sont aisés;
Nous donnerons à ces bêtes
Une avoine de baisers...
Viens, sois tendre, je suis ivre.
O les verts taillis mouillés !
Ton souffle te fera suivre
Des papillons réveillés...
Allons-nous en par l'Autriche !
Nous aurons l'aube à nos fronts;
Je serai grand, et toi riche,
Puisque nous nous aimerons.
Allons-nous-en par la terre,
Sur nos deux chevaux charmants,
Dans l'azur, dans le mystère,
Dans les éblouissements !
Nous entrerons à l'auberge,
Et nous paierons l'hôtelier
De ton sourire de vierge,
De mon bonjour d'écolier.
Tu seras dame, et moi comte;
Viens, mon coeur s'épanouit;
Viens, nous conterons ce conte
Aux étoiles de la nuit.
Victor HUGO, La légende des siècles
mardi 2 février 2010
La douleur
Cesare PAVESE, Le métier de vivre (12 mars 1945)
lundi 1 février 2010
L’isolement
Au coucher du soleil, tristement je m’assieds :
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici, gronde le fleuve aux vagues écumantes :
Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur,
Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l’horizon.
Cependant, s’élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu’une ombre errante :
Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : « Nulle part le bonheur ne m’attend. »
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières ?
Vains objets dont pour moi le charme est envolé
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.
Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,
D’un œil indifférent je le suis dans son cours :
En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
Qu’importe le soleil ? Je n’attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire ;
Je ne demande rien à l’immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux ?
Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire :
Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puis-je, porté sur le char de l’aurore,
Vague objet de mes vœux, m’élancer jusqu’à toi :
Sur la terre d’exil pourquoi resté-je encore ?
Il n’est rien de commun entre la terre et moi.
Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir se lève et l’arrache aux vallons :
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons ! »
Alphonse de LAMARTINE, Méditations poétiques (1820)
Le Ruisseau
L ’ entendez-vous , l’entendez-vous Le menu flot sur les cailloux ? Il passe et court et glisse, Et doucement dédie aux branches,...
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Quelle, et si fine, et si mortelle, Que soit ta pointe, blonde abeille, Je n'ai, sur ma tendre corbeille, Jeté qu'un songe de dentel...
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Mon chat Ulysse A la jaunisse. Il ne dort plus. Il a si mal Qu'il ne joue plus Avec sa balle. Mon chat Ulysse A la jaunisse. ...
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Immenses mots dits doucement Grand soleil les volets fermés Un grand navire au fil de l’eau Ses voiles partagent le vent Bouche bien faite p...