mardi 19 février 2013

Nuée d'oiseaux blancs

Par la fenêtre du wagon bondé, entre Yûrakucho et la gare centrale de Tôkyô, une avenue bordée de grands arbres attira son regard.
C'était une large avenue orientée d'est en ouest, que faisait flamboyer le soleil couchant. Ce long ruban brillait sous la lumière comme un acier poli, et les grands arbres qui le bordaient, vus ainsi à contre-jour, paraissaient d'un vert extraordinairement sombre ; au sol, la densité de l'ombre qui les soulignait était comme une source de fraîcheur. De très beaux arbres, épais de feuillage, étalant fièrement leurs branchages puissants. Ici et là, en retrait, se dressaient les façades de solides maisons d'architecture occidentale.
Etrangement, sur toute sa longueur, l'avenue qui s'offrait au regard était alors absolument déserte, tirant comme un trait de silence et d'immobilité, un trait nu de lumière jusqu'aux fossés du palais impérial, au fond, où elle allait finir. Quel contrastee entre la course du train bondé et la paix souveraine de cette vaste allée, perpendiculaire à la voie, qui semblait s'enfoncer toute seule dans un silence merveilleux, à cette heure singulièrement ample du crépuscule, pour aller déboucher, comme dans un conte, dans le paysage même du couchant ! Un instant, Kikuji crut distinctement apercevoir, qui s'avançait dans l'ombre étirée des grands arbres si paisibles et si frais, la délicate silhouette de Mlle Inamura, son furoshiki de senbazuru à la main. Oui, il voyait jusqu'au plus menu détail des blancs oiseaux qui ornaient le foulard de soie rose !

KAWABATA Yasunari, Nuée d'oiseaux blancs (1949-1952)

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