samedi 28 août 2010

Pluie d'été

Il a plu en moi, une pluie d'été,
de gros grains de raisins sur ma vitre éclatés,
mon feuillage en fut ébloui.

Il a plu en moi, une pluie d'été,
des colombes d'argent de mes toits s'envolèrent,
ma terre a couru les pieds nus.

Il a plu en moi, une pluie d'été,
dans mon tramway en marche une femme a sauté,
ses jambes blanches aspergées.
Il a plu en moi, une pluie d'été,
qui n'a pu rafraîchir ma tristesse.

Il a plu en moi, une pluie d'été,
elle est tombée soudain, soudain s'est arrêtée.
La chaleur stagnante est restée
aveugle sur la voie aux rails déjà rouillés.

Nazim HIKMET (6 août 1960)

vendredi 27 août 2010

Where My Books go

All the words that I utter,
And all the words that I write,
Must spread out their wings untiring,
And never rest in their flight,
Till they come where your sad, sad heart is,
And sing to you in the night,
Beyond where the waters are moving,
Storm-darken’d or starry bright.

William Butler YEATS

mercredi 25 août 2010

Passion et amour

La passion érotique et l'amour métaphysique s'allument tous deux dans la jeunesse, tous deux sont prêts à tous les sacrifices, et se vouent à un objet unique. Mais alors que, dans la passion, il se trouve une conscience imaginaire d'éternité, celle que procure l'ivresse, dans l'amour, c'est la volonté de durée qui se trouve dans le temps. La passion est liée à l'événement; elle vient et elle va. L'amour a le sens profond du "pour toujours" et de "toujours". Il arrive une fois dans la vie, et une seule. La passion est aveugle sur l'essentiel, l'amour clairvoyant sur tout."

Karl JASPERS, Initiation à la méthode philosophique

mardi 24 août 2010

Ebb

I know what my heart is like
Since your love died:
It is like a hollow ledge
Holding a little pool
Left there by the tide,
A little tepid pool,
Drying inward from the edge.

Edna ST. VINCENT MILLAY, Second April
***
Reflux

Je sais à quoi ressemble mon coeur
Depuis que ton amour est mort:
Il ressemble à un rocher creux
Avec, dedans, une petite flaque d'eau
Que la marée y a laissée,
Une petite flaque d'eau tiède
Qui s'évapore à partir des bords.

(ma traduction)

lundi 23 août 2010

L'évidente nécessité de la mémoire

Si le ressouvenir - la remembrance - des événements psychiques (et factuels tout aussi bien) fait défaut, le passé ne sera pas différencié du présent, il l'infiltrera de part en part, et déterminera le futur : un destin, à coup sûr funeste, tiendra lieu d'histoire.
Le mot d'ordre est alors : "Souviens-toi", ce qu'au plan collectif on appelle aujourd'hui le devoir de mémoire.

Jean-Bertrand PONTALIS, Ce temps qui ne passe pas (1997)

dimanche 22 août 2010

Plainte d'un croyant

Mon Dieu, quelle guerre cruelle !
Je trouve deux hommes en moi :
L'un veut que, plein d'amour pour toi,
Mon coeur te soit toujours fidèle;
L'autre, à tes volontés rebelle,
Me révolte contre ta loi.

L'un, tout esprit et tout céleste,
Veut qu'au ciel sans cesse attaché,
Et des biens éternels touché,
Je compte pour rien tout le reste;
Et l'autre, par son poids funeste,
Me tient vers la terre penché.

Hélas ! en guerre avec moi-même,
Où pourrai-je trouver la paix ?
Je veux, et n'accomplis jamais.
Je veux, mais, ô misère extrême !
Je ne fais pas le bien que j'aime,
Et je fais le mal que je hais.

Ô grâce, ô rayon salutaire !
Viens me mettre avec moi d'accord,
Et domptant par un doux effort
Cet homme qui t'est si contraire,
Fais ton esclave volontaire
De cet esclave de la mort.

Jean RACINE

samedi 14 août 2010

La sincérité est le pari de l'homme

La dignité de l'homme, c'est d'apercevoir la vérité. C'est par la vérité seule que nous sommes affranchis, et seule la liberté nous prépare sans restriction a la vérité.
La vérité est-elle la dernière signification qu'il y ait, pour l'homme, dans le monde ? La sincérité est-elle l'exigence dernière ? Nous le croyons, car la véracité, sincère, sans arrière-pensée et incapable de se perdre en opinions, coïncide avec l'amour.

Karl JASPERS, Initiation a la méthode philosophique

Le Ruisseau

    L ’ entendez-vous , l’entendez-vous   Le menu flot sur les cailloux ?   Il passe et court et glisse,  Et doucement dédie aux branches,...