dimanche 31 janvier 2010

The link

"Lord, keep all our memories green," and help on our affection, and tie the "link that doth us bind" in a tight bow-knot that will keep it from separation, and stop us from growing old; if that is impossible, make old age pleasant to us, put its arms around us kindly, and when we go home, let that home be called Heaven.

Emily E. DICKINSON, Selected poems and letters

samedi 30 janvier 2010

Pour vivre à deux

Enquanto não superarmos
a ânsia do amor sem limites,

não podemos crescer

emocionalmente.



Enquanto não atravessarmos

a dor de nossa própria solidão,

continuaremos
a nos buscar em outras metades.
Para viver a dois, antes, é

necessário ser um.

Fernando PESSOA

vendredi 29 janvier 2010

Ecoute ...

Ecoute, apprendras-tu à m'écouter de loin,
Il s'agit de pencher le coeur plus que l'oreille,
Tu trouveras en toi des ponts et des chemins
Pour venir jusqu'à moi qui regarde et qui veille.

Qu'importe en sa longueur l'Océan Atlantique ?
Les champs, les bois, les monts qui sont entre nous deux ?
L'un après l'autre un jour il faudra qu'ils abdiquent
Lorsque de ce côté tu tourneras les yeux.

Jules SUPERVIELLE

jeudi 28 janvier 2010

L'âme en fleur

Mes vers fuiraient, doux et frêles,
Vers votre jardin si beau,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l'oiseau.

Ils voleraient, étincelles,
Vers votre foyer qui rit,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l'esprit.

Près de vous, purs et fidèles,
Ils accourraient nuit et jour,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l'amour.

Victor HUGO
, Les contemplations

mercredi 27 janvier 2010

L'amour ressemble à la soif

L'amour ressemble à la soif. Il est assoiffement de l'âme corporelle (c'est-à-dire de l'âme manifestation du corps). L'amour tend toujours vers ce qui "me manque" à moi qui suis assoiffé.

L'amour est langueur ; il fait languir ; et tue lorsqu'il n'est pas satisfait.

C'est pourquoi l'amour en se rassasiant régénère toujours. L'amour est renaissance.

L'amour dévore, engloutit. L'amour est toujours un échange corps-âme. Aussi s'éteint-il lorsqu'il n'y a plus rien à échanger. Et il s'éteint toujours pour une seule raison : l'épuisement du matériel de rechange, l'arrêt de l'échange, la satiété mutuelle, la ressemblance-identification de ceux qui pendant un temps se sont aimés tout en étant différents.

Comme dans un engrenage lorsque les dents (la différence) s'émoussent, s'usent, et cessent de s'encastrer les unes dans les autres. "L'arbre s'arrête et avec lui le "fonctionnement" : la machine en tant qu'harmonie et ordonnance des "contraires" a disparu.
Cet amour-là, mort naturellement, ne renaît jamais...

D'où, avant qu'il ne s'éteigne (complètement), ces brusques trahisons, ultime espoir de l'amour : rien ne sépare tant (ou ne différencie) les amants que la trahison de l'un d'entre eux. La dernière dent encore intacte s'aggripe à son contraire. Le mouvement redevient possible, pour un temps. La trahison est en quelque sorte une "remise en marche" de l'amour, un replâtrage opéré sur de l'ancien, de l'usé. Très souvent même un amour "fêlé" brûle à nouveau d'une flamme ardente et redonne à la vie des allures de bonheur. Alors que sans "trahison" les amants ou la famille finiraient par sombrer dans l'indifférence, dans le détachement, dans la ruine, et disparaîtraient irrémédiablement.

Vassili ROZANOV, Feuilles tombées (1984)

mardi 26 janvier 2010

Impromptu

En réponse à cette question : qu'est-ce que la poésie ?

Chasser tout souvenir et fixer la pensée,
Sur un bel axe d'or la tenir balancée,
Incertaine, inquiète, immobile pourtant;
Eterniser peut-être un rêve d'un instant;
Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie;
Ecouter dans son coeur l'écho de son génie;
Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard;
D'un sourire, d'un mot, d'un soupir, d'un regard
Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme,
Faire une perle d'une larme :
Du poète ici-bas voilà la passion,
Voilà son bien, sa vie et son ambition.

Alfred de MUSSET, Poésies nouvelles (1839)

lundi 25 janvier 2010

Vieille chanson du jeune temps

Je ne songeais pas à Rose;
Rose au bois vint avec moi;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.

J'étais froid comme les marbres;
Je marchais à pas distraits;
Je parlais des fleurs, des arbres;
Son oeil semblait dire : "Après ?"

La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols;
J'allais; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, et l'air morose.
Elle vingt; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches;
Je ne vis pas son bras blanc.

Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure;
Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
"Soit; n'y pensons plus!" dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.

Victor HUGO, Les contemplations, juin 1831

dimanche 24 janvier 2010

Dios

Siento a Dios que camina
tan en mí, con la tarde y con el mar.
Con él nos vamos juntos. Anochece.
Con él anochecemos. Orfandad…

Pero yo siento a Dios. Y hasta parece
que él me dicta no sé qué buen color.
Como un hospitalario, es bueno y triste ;
mustia un dulce desdén de enamorado :
debe dolerle mucho el corazón.

Cesar VALLEJO, Los heraldos negros (1918)

***
Dieu

Je sens Dieu cheminer
tellement en moi, avec le soir et avec la mer.
Nous marchons côte à côte. La nuit tombe.
Ensemble nous nous obscurcissons. Orphelinage...

Mais moi je sens Dieu. Et même il me semble
qu'il me dicte je ne sais quelle bonne couleur.
Hospitalier, il est bon et triste;
se flétrit le doux dédain d'un amoureux :
son coeur doit déborder de souffrance.

Cesar VALLEJO, Les Hérauts Noirs

samedi 23 janvier 2010

Un peu de pessimisme

TU es là-haut
Parmi les branches chargées de fruits,
Tes yeux verts sont pleins de soleil
Ta bouche est barbouillée de miel,
Et moi je suis au bas de l'arbre
Un pied déjà dans le tombeau,
Je m'en irai bien avant toi
Et tu demeureras sans moi dans la vieillesse.

Nazim HIKMET, C'est un dur métier que l'exil

vendredi 22 janvier 2010

Il pleut

Il pleut - C'est merveilleux. Je t'aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
Par ce temps d'arrière-saison.

Il pleut. Les taxis vont et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine
Font un bruit...qu'on ne s'entend plus !

C'est merveilleux : il pleut. J'écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte à goutte...
Et tu me souris tendrement.

Je t'aime. Oh ! ce bruit d'eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l'heure :
On dirait qu'il pleut dans tes yeux.

Francis CARCO

jeudi 21 janvier 2010

The Lake Isle of Innisfree

I will arise and go now, and go to Innisfree,
And a small cabin build there, of clay and wattles made :
Nine bean rows will I have there, a hive for the honeybee,
And live alone in the bee-loud glade.

And I shall have some peace there, for peace comes dropping slow,
Dropping from the veils of the morning to where the cricket sings;
There midnight's all a glimmer, and noon a purple glow,
And evening full of the linnet's wings.

I will arise and go now, for always night and day
I hear lake water lapping with low sounds by the shore;
While I stand on the roadway, or on the pavements grey,
I hear it in the deep heart's core.

William Butler YEATS
, The Rose (1893)

mercredi 20 janvier 2010

Il pleure dans mon coeur

Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
O le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon coeur a tant de peine.

Paul VERLAINE, Romance sans paroles (1874)

mardi 19 janvier 2010

À la lune

Quand tu luis au-dessus de la forêt mouvante,
On dirait que des feux s'allument tout au fond.
Tu donnes un baiser à l'océan profond,
Et l'océan frémit comme une âme vivante.

Es-tu notre compagne? Es-tu notre servante?
Ton éclat nous ravit, ton pouvoir nous confond.
Sous ton voile brillant comme l'or qui se fond,
N'es-tu qu'un astre mort où règne l'épouvante?

Donne au toit sans lumière un rayon de pitié,
Au rêve du poète, une aile audacieuse,
Et sur les nids d'amour plane silencieuse.

Tu n'offres à nos yeux souvent qu'une moitié...
De même faisons-nous, blonde lune que j'aime;
Cachons-nous des défauts par ce vieux stratagème.



Pamphile LE MAY, Les Gouttelettes (1837-1918)

lundi 18 janvier 2010

Pobre peon ...

Pauvre péon, infortuné
Parmi les buissons, amarré
A la non-existence, à l'ombre
des prairies sauvages...

Les douleurs de mon peuple
m'ont transpercé, elles s'aggrippent à moi,
barbelés de mon âme.
Elles me crispent le coeur :
je suis sorti pour crier par les chemins ...

Pablo NERUDA, Le chant général (1954 pour la trad. fçse par Alice Ahrweller)

dimanche 17 janvier 2010

Le pain de Vie

Mystère qui déroute la raison humaine :
la vie se nourrit de la mort.
Dans l'Eucharistie seulement
la vie se nourrit de la Vie.

Dom Helder CAMARA (28 mars 1951)

samedi 16 janvier 2010

Les espaces du sommeil (fragment)

Dans la nuit il y a naturellement les sept merveilles du monde et la grandeur et le tragique et le charme.
...
Il y a toi sans doute que je ne connais pas, que je connais au contraire.
Mais qui présente dans mes rêves s'obstine à s'y laisser deviner sans y paraître.
Toi qui restes insaisissable dans la réalité et dans le rêve.
Toi qui m'appartiens de par ma volonté de te posséder en illusion mais qui n'approches ton visage du mien que mes yeux clos aussi bien au rêve qu'à la réalité.
...
Toi qui es à la base de mes rêves et qui secoues mon esprit plein de métamorphoses et qui me laisses ton gant quand je baise ta main.
Dans la nuit, il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer, des fleuves, des forêts, des villes, des herbes, des poumons de millions et millions d'êtres.
Dans la nuit il y a les merveilles du monde.
Dans la nuit, il n'y a pas d'anges gardiens mais il y a le sommeil.
Dans la nuit il y a toi.
Dans le jour aussi.

Robert DESNOS, A la mystérieuse (1926)

vendredi 15 janvier 2010

Vivre

On a tant parlé, tant écrit, tant donné l'alarme sur notre vie, sur notre monde, sur notre culture, que voir le soleil, les nuages, que sortir dans la rue et trouver de l'herbe, des cailloux, des chiens, émeut comme une grande grâce, comme un don de Dieu, comme un rêve. Mais un rêve réel, qui dure, qui est là.

Cesare PAVESE, Le métier de vivre (7 décembre 1947)

jeudi 14 janvier 2010

La patience des pauvres

L'image que vous vous faites de la vie est devenue si grossière à votre insu, que vous croyez avoir trouvé dans la violence le dernier secret de la domination, alors que l'expérience démontre chaque jour que l'humble patience de l'homme a constamment mis en échec, depuis des millénaires sans nombre, les forces hagardes de la nature. Vous ne triompherez pas de la patience du pauvre - patientia pauperum non peribit in aeternum.

Georges BERNANOS, Les Enfants humiliés (1949)

mercredi 13 janvier 2010

Suspiria [1]

Take them, O Death ! and bear away
Whatever thou canst call thine own !
Thine image, stamped upon this clay,
Doth give thee that, but that alone !

Take them, O Grave ! and let them lie
Folded upon thy narrow shelves,
As garments by the soul laid by,
And precious only to ourselves !

Take them, O great Eternity !
Our little life is but a gust
That bends the branches of thy tree,
And trails its blossoms in the dust !

Henry Wadsworth LONGFELLOW
, The seaside and the fireside
______________

[1] Ce poème pour Haïti endeuillé.

mardi 12 janvier 2010

Apparition

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand, avec le soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

MALLARME, Premiers poèmes (1863)

lundi 11 janvier 2010

Même quand nous dormons

Même quand nous dormons nous veillons l'un sur l'autre
Et cet amour plus lourd que le fruit mûr d'un lac
Sans rire et sans pleurer dure depuis toujours
Un jour après un jour une nuit après nous.

Paul ELUARD, Le dur désir de durer (1946)

dimanche 10 janvier 2010

Second poème d'amour

C'est la voix de mon bien-aimé !
Le voici, il vient,
Sautant sur les montagnes,
Bondissant sur les collines.
Mon bien-aimé est semblable à la gazelle
Ou au faon des biches.
Le voici, il est derrière notre mur,
Il regarde par la fenêtre,
Il regarde par le treillis.

Mon bien-aimé parle et me dit :
Lève-toi, mon amie, ma belle, et Viens !
Car voici, l'hiver est passé;
La pluie a cessé, elle s'en est allée.
Les fleurs paraissent sur la terre,
Le temps de chanter est arrivé,
Et la voix de la tourterelle se fait entendre dans nos campagnes.
Le figuier embaume ses fruits,
Et les vignes en fleurs exhalent leur parfum.
Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens !
Ma colombe, qui te tiens dans les fentes du rocher,
Qui te caches dans les parois escarpées,
Fais-moi voir ta figure,
Fais-moi entendre ta voix.

La Bible, Le Cantique des cantiques, 2, 8-14

samedi 9 janvier 2010

Au mocassin le verbe

Tu me suicides, si docilement
Je te mourrai pourtant un jour.
Je connaîtrons cette femme idéale
et lentement je neigerai sur sa bouche
Et je pleuvrai sans doute même si je fais tard, même si je
fais beau temps
Nous aimez si peu nos yeux
Et s'écroulerai cette larme sans
raison bien entendu et sans tristesse.
sans.

Robert DESNOS, Langage cuit (1923)

vendredi 8 janvier 2010

Quatrains

Demeurez donc ainsi dans la lumière, inerte,
Que stagne le soleil sur vos verts vêtements
Voici que ma blessure à l'instant s'est ouverte
Et votre serviteur est baigné dans son sang.

Ma tête travaille sans trêve
Et sans cesse elle vous recrée
Et de mes mains qui ne peuvent plus vous toucher
Je vêts votre blancheur nue d'une robe verte.

Nazim HIKMET, C'est un dur métier que l'exil in Anthologie poétique

jeudi 7 janvier 2010

Soror dolorosa

Reste. N'allume pas la lampe. Que nos yeux
S'emplissent pour longtemps de ténèbres, et laisse
Tes bruns cheveux verser la pesante mollesse
De leurs ondes sur nos baisers silencieux.

Nous sommes las autant l'un que l'autre. Les cieux
Pleins de soleil nous ont trompés. Le jour nous blesse.
Voluptueusement berçons notre faiblesse
Dans l'océan du soir morne et délicieux.

Lente extase, houleux sommeil exempt de songe,
Le flux funèbre roule et déroule et prolonge
Tes cheveux où mon front se pâme enseveli...

Ô calme soir, qui hais la vie et lui résistes,
Quel long fleuve de paix léthargique et d'oubli
Coule dans les cheveux profonds des brunes tristes !

Catulle MENDES, Soirs moroses (1841-1909)

mercredi 6 janvier 2010

Perdue de vue

Le plus insupportable dans la perte, serait-ce la perte de vue? Annoncerait-elle, chez l'autre, l'absolu retrait d'amour et, en nous, l'inquiétude d'une infirmité foncière : ne pas être capable d'aimer l'invisible ? Il nous faudrait voir d'abord. Non pas voir seulement mais voir d'abord et toujours pouvoir calmer l'angoisse que suscite l'absence en nous assurant que l'objet aimé est tout entier à portée de notre regard et qu'il nous réfléchit dans notre identité.

Jean-Bertrand PONTALIS
, Perdre de vue (1988)

mardi 5 janvier 2010

Que serais-je sans toi ?

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu'il fait jour à midi qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne
Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues
Terre terre voici ses rades inconnues

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

Louis ARAGON

lundi 4 janvier 2010

Madrigal

Vous n'aimez pas qui vous aime
Ni qui vous saurait aimer
Et ne donnez de vous-même
Que ce que vous voulez donner.

Moi, qui vous cherche et vous aime
D'un coeur tendre et sans danger,
Je ne vous suis qu'un étranger,
Mais, hélas ! l'étrange peine
Que celle qui fait aimer
Sans souci que l'on vous aime !

Francis CARCO, Petits airs

dimanche 3 janvier 2010

Les signes des temps

Nous vivons à une époque d’événements décisifs pour l’histoire du monde, événements imminents. Nous trouveront-ils en train de prier, de telle sorte qu’ils puissent être la réponse de la miséricorde de Dieu à cette prière ?


Karl RAHNER, Prière de notre temps

samedi 2 janvier 2010

The tide rises, the tide falls

The tide rises, the tide falls,
The twilight darkens, the curlew calls;
Along the sea-sands damp and brown
The traveller hastens toward the town,
And the tide rises, the tide falls.

Darkness settles on roofs and walls,
But the sea in the darkness calls and calls;
The litttle waves, with their soft white hands,
Efface the footprints in the sands,
And the tide rises, the tide falls.

The morning breaks; the steeds in their stalls
Stamp and neigh, as the hostler calls;
The day returns, but nevermore
Returns the traveller to the shore,
And the tide rises, the tide falls.

Henry Wadsworth LONGFELLOW, Folk songs

La marée monte, la marée descend


La marée monte, la marée descend,
Le crépuscule enténèbre le ciel, le courlis appelle;
Sur le sable mouillé de la plage brune
Le voyageur se hâte vers la ville
Et la marée monte, la marée descend.

L'obscurité envahit les toits et les murs,
Mais dans l'obscurité la mer sans cesse appelle;
Les vaguelettes, de leurs douces mains blanches,
Effacent les empreintes sur le sable
Et la marée monte, la marée descend.

Le matin point; les coursiers dans leurs stalles
Trépignent et hennissent à l'appel du valet d'écurie;
Le jour reparaît, mais jamais plus
Ne reparaît le voyageur sur le rivage,
Et la marée monte, la marée descend.

[Je traduis littéralement]



vendredi 1 janvier 2010

01 janvier 2010. Ste Marie

…Car enfin, elle était née sans péché, quelle solitude étonnante ! Une source si pure, si limpide, si limpide et si pure, qu’elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image, faite pour la seule joie du Père – ô solitude sacrée ! … Certes, notre pauvre espèce ne vaut pas cher, mais l’enfance émeut toujours ses entrailles, l’ignorance des petits lui fait baisser les yeux – ses yeux qui savent le bien et le mal, ses yeux qui ont vu tant de choses ! Mais ce n’est que l’ignorance, après tout. La Vierge était l’Innocence … Le regard de la Vierge est le seul regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur. Oui, … pour la bien prier, il faut sentir sur soi ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence – car l’indulgence ne va pas sans quelque expérience amère – mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain.

Georges BERNANOS, Journal d’un curé de campagne, Paris, Gallimard, 1961, pp. 1193-1194, collection « Bibliothèque de la Pléiade ».

Le Ruisseau

    L ’ entendez-vous , l’entendez-vous   Le menu flot sur les cailloux ?   Il passe et court et glisse,  Et doucement dédie aux branches,...