samedi 15 août 2009

Fête de l'Assomption

Retenu par une jeune femme au moment où, pris d’un malaise, il allait glisser sous un train, Soloviev sentit s’accomplir en lui, nous dit-il, « quelque chose de merveilleux » : dans une impression «infiniment douce, claire et calme, se reflétait, immobile, comme un miroir, une image merveilleuse » ; la jeune femme était «transfigurée», - « et je savais qu’en cette image unique étaient toutes choses, j’aimais d’un nouvel amour, infini, qui embrassait tout, et en lui je sentais pour la première fois toute la plénitude et le sens de la vie [1] ».

Henri de LUBAC, « L’éternel féminin », Paris, Aubier, 1983, p. 65.

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[1] Vladimir Soloviev, in Maxime Herman, Crise de la philosophie occidentale (Aubier, Paris, 1947), pp. 9-15.

vendredi 14 août 2009

Le mystère nuptial

C'est en Dieu que se rencontrent l'aimant avec l'aimé, c'est en Dieu que s'incarne le visage de l'amour.(...)

Dans l'amour authentique, il ne peut y avoir d'arbitraire, il existe seulement des êtres destinés et prédestinés. Mais le monde ne peut juger du secret de deux êtres,du mystère nuptial, car il n'y a là rien de social. Le mystère nuptial authentique ne s'accomplit que pour très peu d'êtres, et par très peu d'êtres; il est aristocratique et suppose le choix.

Nicolas BERDIAEV, Le sens de la création

jeudi 13 août 2009

Cantique à Elsa (fragment)

Je te touche et je vois ton corps et tu respires
Ce ne sont plus les jours du vivre séparés
C'est toi tu vas tu viens et je suis ton empire
Pour le meilleur et pour le pire
Et jamais tu ne fus aussi lointaine à mon gré

Ensemble nous trouvons au pays des merveilles
Le plaisir sérieux couleur de l'absolu
Mais lorsque je reviens à nous que je m'éveille
Si je soupire à ton oreille
Comme des mots d'adieu tu ne les entends plus.

Elle dort Longuement je l'écoute se taire
C'est elle dans mes bras présente et cependant
Plus absente d'y être et moi plus solitaire
D'être plus près de son mystère
Comme un joueur qui lit aux dés le point perdant.

Le jour qui semblera l'arracher à l'absence
Me la rend plus touchante et plus belle que lui
De l'ombre elle a gardé les parfums et l'essence
Elle est comme un songe des sens
Le jour qui la ramène est encore une nuit

Louis ARAGON, Les Yeux d'Elsa

mercredi 12 août 2009

La Nuit

Ma voix pour toi devient mélodieuse et tendre,
Tardive elle interrompt la paix de cette nuit,
La bougie brille à peine et je viens de m'étendre.
Comme un ruisseau chantant, mes vers coulent unis.
Ils coulent pleins de toi ces ruisseaux de l'amour
Et dans l'obscurité tes yeux brillent pour moi,
Tu souris et j'entends les mots de ton discours :
"Mon cher et tendre ami, je t'aime et suis à toi..."

Alexandre POUCHKINE (1823)

mardi 11 août 2009

Le jet d'eau

Vois ce nuage de lumière,
Ce jet d'eau vif, plein de couleurs;
Au soleil en fine poussière
Il n'est déjà plus que vapeur.

Rayon qui scintille et ruisselle,
Qui monte, à son faîte parvient,
Puis tombe, irisé d'étincelles,
A terre, esclave du destin.

Intarissable, mais mortelle,
Notre pensée est-elle un flot ?
Elle jaillit, se renouvelle,
Puis se répand comme de l'eau.

Ô pensée avide ! Fatale,
Une main t'arrête en plein vol,
Tout comme ce rayon d'opale
Qui, brisé, va se perdre au sol.

Théodore TUTCHEV (1803-1873)- mars 1836.

lundi 10 août 2009

La délaissée

Ne t'en va pas mon coeur, ma vie,
Sans toi le ciel perd ses couleurs
Désert des champs jardins sans fleurs
Ne t'en va pas

Ne t'en va pas où va le vent
Sans toi tous les oiseaux s'envolent
Et toutes les nuits sont folles
Ne t'en va pas

Louis ARAGON, La Diane Française

dimanche 9 août 2009

Accueillir Dieu

Accueillir Dieu signifie se tourner vers Dieu dans la foi ou "croire en direction de Dieu", tendre vers Dieu. La foi ainsi est "saisissement" de Dieu. Mais saisir suppose être saisi : on ne peut croire sans la grâce. Et la grâce est participation à la vie divine. Lorsque nous nous ouvrons à la grâce, lorsque nous accueillons la foi, nous connaissons en nous le début de la vie éternelle.

Edith STEIN

samedi 8 août 2009

Pour un rêveur

J'ai survécu à mes désirs
Et quitté mes rêves. Lucide,
Il ne me reste qu'à souffrir
Devant les fruits de mon coeur vide.

Couronne effeuillée au matin
Sous l'orage d'un sort contraire...
Déjà je vis en solitaire,
Et tristement j'attends ma fin.

L'orage siffle sur la terre.
Frappée par la rigueur du sort,
Tremble sur l'arbre, seule encor,
Une feuille retardataire.

Alexandre POUCHKINE (1821)

vendredi 7 août 2009

En écoutant les oiseaux

Mon bras pressait ta taille frêle
Et souple comme le roseau;
Ton sein palpitait comme l'aile
D'un jeune oiseau.

Longtemps muets, nous contemplâmes
Le ciel où s'éteignait le jour.
Que se passait-il dans nos âmes ?
Amour ! Amour !

Comme un ange qui se dévoile,
Tu me regardais dans ma nuit,
Avec ton beau regard d'étoile,
Qui m'éblouit.

Victor HUGO, Les Contemplations, Livre deuxième, L'âme en fleur

jeudi 6 août 2009

Le temps des cerises

En maint endroit les cerisiers débordent les murs, débordent les haies de clôture. Vertes hier, les cerises sont roses aujourd'hui, demain plus roses, plus rondes, plus lourdes. Elles se couvrent d'une rougeur égale, se vernissent, tentent l'oeil, la bouche, la main. Etendons le bras, elles sont à moi, à vous, à nous... Je passe en voiture, et jour après jour je vois qu'il ne manque pas une cerise. Chez nous, en secouant le cerisier, on ferait choir, outre les cerises, le garçon caché dans l'arbre. "Il ne faut pas tenter le diable", dirait pour s'excuser le pillard, poches et bouche pleines. Quand je vous dis qu'ils n'ont pas de diable en Suisse.

COLETTE, Le Fanal bleu.

mercredi 5 août 2009

mardi 4 août 2009

Comprenne qui pourra

Oh ciudad lineal que como un hacha
nos rompe el alma en dos mitades tristes,
insatisfechas ambas, esperando
la cicatrización de los dolores,
la paz, el tiempo del amor completo.

Pablo NERUDA,Elegía XXVI.

O ville linéaire ouvrant comme une hache
notre âme en deux tristes moitiés,
insatisfaites l’une et l’autre, et qui attendent
la cicatrisation de nos douleurs,
la paix, le temps de l’amour intégral.
Pablo Neruda, Elégie XXVI.

lundi 3 août 2009

Cette personne...

Cette personne a dit des méchancetés :
...........
Alors j'ai été révolté.

Et j'ai été me promener près des champs
où les petits brins d'herbe ne sont pas méchants,
avec ma chienne et mon chien couchants.

Là, j'ai vu des choses qui jamais
n'ont dit aucune méchanceté,
et de petits oiseaux innocents et gais.

Je me disais, en voyant au-dessus des haies
s'agiter les tiges tendres des ronciers :
ces feuilles sont bonnes. Pourquoi y a-t-il des gens mauvais ?

Mais je sentais une grande joie
dans ce calme que tant ne connaissent pas,
et une grande douceur se faisait en moi.

Je pensais : oiseaux, soyez mes amis.
Petites herbes, soyez mes amies.
Soyez mes amies, petites fourmis.

Et là-bas, sur un champ en pente,
auprès d'une prairie belle et luisante,
je voyais, près de ses boeufs, un paysan

qui paraissait glisser dans l'ombre claire
du soir qui descendait comme une prière
sur mon coeur calmé et sur la terre.

Francis JAMMES, De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir.

dimanche 2 août 2009

Noche oscura

La foi est une "lumière obscure". Elle nous donne quelque chose à comprendre, mais juste pour nous indiquer quelque chose qui nous reste incompréhensible. Parce que le fond ultime de tout être est un fond insondable, tout ce qui lui apparaît vient s'abîmer dans la lumière obscure de la foi et du mystère.

Edith STEIN

samedi 1 août 2009

CADA UNO

No,
no existe el reencuentro,
o el sitio del amor,
salvo, acaso,
en la verdad del sueño.

Secreta isla
es cada uno,
huésped sin sombra
en un alba de olvido…

Jorge MAREL (1946)

CHACUN
Non,
il n’existe ni retrouvaille,
ni site d’amour,
sauf, peut-être,
en la vérité du songe.

Chacun est
îlot secret,
hôte sans ombre
en une aube d’oubli…

Jorge Marel (trad. fçse Marilyne-Armande Renard)

Le Ruisseau

    L ’ entendez-vous , l’entendez-vous   Le menu flot sur les cailloux ?   Il passe et court et glisse,  Et doucement dédie aux branches,...