La tristesse est mon éternelle invitée. Combien je l'aime.
Elle n'est ni richement, ni pauvrement vêtue. Plutôt maigrichonne.
Je crois qu'elle ressemble à ma mère. Elle parle peu ou pas. Tout chez elle est dans le regard, ni amer, ni fâché. Mais existe-t-il des mots pour la décrire ? Elle est infinie.
- La tristesse, c'est l'infini !
Elle vient le soir avec l'obscurité, silencieuse, imperceptiblement. Elle est déjà "là" au moment où on la croit encore loin. Ne se livrant jamais à la moindre objection, à la moindre contestation, elle mêle à tout ce que vous pensez sa touche discrète : et cette "touche" est infinie.
La tristesse est un reproche, une plainte, un manque. Je crois qu'elle s'est approchée de l'homme le soir où Adam a "goûté" au fruit de l'arbre et a été chassé du Paradis. Depuis lors elle n'est jamais bien loin de lui. Toujours là "quelque part" : mais elle ne se montre qu'au crépuscule.
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées (1984)
Elle n'est ni richement, ni pauvrement vêtue. Plutôt maigrichonne.
Je crois qu'elle ressemble à ma mère. Elle parle peu ou pas. Tout chez elle est dans le regard, ni amer, ni fâché. Mais existe-t-il des mots pour la décrire ? Elle est infinie.
- La tristesse, c'est l'infini !
Elle vient le soir avec l'obscurité, silencieuse, imperceptiblement. Elle est déjà "là" au moment où on la croit encore loin. Ne se livrant jamais à la moindre objection, à la moindre contestation, elle mêle à tout ce que vous pensez sa touche discrète : et cette "touche" est infinie.
La tristesse est un reproche, une plainte, un manque. Je crois qu'elle s'est approchée de l'homme le soir où Adam a "goûté" au fruit de l'arbre et a été chassé du Paradis. Depuis lors elle n'est jamais bien loin de lui. Toujours là "quelque part" : mais elle ne se montre qu'au crépuscule.
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées (1984)