"A partir de la troisième semaine elle put sortir, et faire de courtes promenades au bord de la rivière, ou dans les bois environnants. C'était un mois d'août exceptionnellement beau ; les journées se succédaient, identiques et radieuses, sans la moindre menace d'orage, sans que rien non plus puisse laisser présager une fin. Michel la tenait par la main ; souvent, ils s'asseyaient sur un banc au bord du Grand Morin. Les herbes de la berge étaient calcinées, presque blanches ; sous le couvert des hêtres la rivière déroulait indéfiniment ses ondulations liquides, d'un vert sombre. Le monde extérieur avait ses propres lois, et ces lois n'étaient pas humaines.
(...)
Il marchait longuement, sans but précis, sur la Sky Road, en de longues promenades rêveuses ; il marchait dans la présence du ciel. La route de l'Ouest serpentait le long des collines, alternativement abrupte et douce. La mer scintillait, réfractait une lumière mobile sur les derniers îlots rocheux. Dérivant rapidement à l'horizon, les nuages formaient une masse lumineuse et confuse, d'une étrange présence matérielle. Il marchait longtemps, sans effort, le visage baigné d'une brume aquatique et légère."
Michel HOUELLEBECQ (1998)