Le Jardin du Passé
Celui qui le mieux plaît à mon cœur solitaire,
De tous les beaux jardins qu’ont visités mes pas,
C’est vous que je revois en le nommant tout bas,
O cher enclos dont l’ombre est pleine de mystère.
D’autres sont plus que vous, ô petit coin de terre,
Embaumés de jasmins ou fleuris de lilas,
Mais, malgré leurs bosquets et leurs eaux, ils n’ont pas
Le charme familier de votre humble parterre.
Quelques roses qu’aucune rose n’égala,
Auprès du bassin clair, y poussent çà et là ;
Nul parfum ne m’est doux que leur odeur lointaine.
Car, dans mon souvenir, ô roses du jardin,
Vous mêlez votre arôme au chant de la fontaine
Où la vie effeuilla la fleur de mon matin.
Henri de RÉGNIER, Le Miroir des Heures.