La tristesse est mon éternelle invitée. Combien je l’aime.
Elle n’est ni richement, ni pauvrement vêtue. Plutôt maigrichonne. Je crois qu’elle ressemble à ma mère. Elle parle peu ou pas. Tout chez elle est dans le regard, ni amer, ni fâché. Mais existe-t-il des mots pour la décrire ? Elle est infinie.
- La tristesse, c’est l’infini !
Elle vient le soir avec l’obscurité, silencieuse, imperceptiblement. Elle est déjà « là » au moment où on la croit encore loin. Ne se livrant jamais à la moindre objection, à la moindre contestation, elle mêle à tout ce que vous pensez sa touche discrète : et cette « touche » est infinie.
La tristesse est un reproche, une plainte, un manque. Je crois qu’elle s’est approchée de l’homme le soir où Adam a « goûté » au fruit de l’arbre et a été chassé du Paradis. Depuis lors elle n’est jamais bien loin de lui. Toujours là « quelque part » : mais elle ne se montre qu’au crépuscule.
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées (traduction de Jacques Michaut)
Mon blog propose à la lecture des poésies et des réflexions de différents auteurs, le plus souvent de langue française, et parfois de langue anglaise ou espagnole.
mardi 10 novembre 2009
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