Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encore pleine;
Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli;
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli;
Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire
Les mots où se répand le coeur mystérieux;
Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux;
Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours;
Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours;
Je puis maintenant dire aux rapides années :
- Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !
Allez-vous en avec vos fleurs toutes fanées;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !
Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !
Mon coeur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !
Victor HUGO, Les Chants du crépuscule (1835)
Mon blog propose à la lecture des poésies et des réflexions de différents auteurs, le plus souvent de langue française, et parfois de langue anglaise ou espagnole.
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