mardi 9 novembre 2010

Hymne de la Liberté

O mémoire des morts exhalée de la terre
Lumière qui montais du silence et du sol
Tu faiblis, et dans le passé les pas se perdent
L'homme au soir des nations est seul. Les tyrans
Ont soumis jusqu'aux monts ultimes de l'histoire
Et réprimé le pouls des fleuves sous leur poids :
Leurs géantes statues défient la nuit géante
A leur front luit une escarboucle de malheur
Dont la lueur séduit la misère des hommes
Car un froid noir rayonne d'elle, et dans le sang
Allume les ardeurs sans nom de la ténèbre

Tandis qu'en haut avec la liberté le Ciel se meurt.

(...)

O mes frères dans les prisons vous êtes libres
Libres les yeux brûlés les membres enchaînés
Le visage troué les lèvres mutilées
Vous êtes ces arbres violents et torturés
Qui croissent plus puissants parce qu'on les émonde
Et sur tout le pays d'humaine destinée
Votre regard d'hommes vrais est sans limites
Votre silence est la paix terrible de l'éther.

Par-dessus les tyrans enroués de mutisme
Il y a la nef silencieuse de vos mains
Par-dessus l'ordre dérisoire des tyrans
Il y a l'ordre des nuées et des cieux vastes
Il y a la respiration des monts très bleus
Il y a les libres lointains de la prière
Il y a les larges fronts qui ne se courbent pas
Il y a les astres dans la liberté de leur essence
Il y a les immenses moissons du devenir
Il y a dans les tyrans une angoisse fatale
Qui est la liberté effroyable de Dieu.

Pierre EMMANUEL (Alger, 1942)

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