vendredi 31 décembre 2010

Bonne Année 2011 !

Si tu es le rêveur, je suis ton rêve ;
mais si tu veux veiller, c'est bien moi ton vouloir.
De toutes les splendeurs je me fais éclatant,
et me polis comme un silence plein d'étoiles
sur la cité merveilleuse du temps.

Rainer Maria RILKE, Livre d'Heures. 1899-1906
(Traduction Jean Chuzeville)

mercredi 29 décembre 2010

Enigme ou capital ...

A l'horizon par les brouillards,
Les tintamarres des hasards,
Vagues, nous armons nos démons
Dans l'entre-deux sournois des monts.

Au rivage que nous fermons
Dome un géant sur les limons.
Nous rampons à ses pieds, lézards.
Lui, sur son char tel un César

Alfred JARRY, Les Minutes de Sable Mémorial (1894)

mardi 28 décembre 2010

Colloque sentimental

Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l'heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.

- Te souvient-il de notre extase ancienne ?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?

- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? - Non.

- Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.

- Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

Paul VERLAINE, Fêtes galantes

lundi 27 décembre 2010

Vierge incertaine

Toi qui verses, les nuits tendres, sur tes pieds blancs
Des larmes de statue oubliée et brisée,
Telle une douloureuse et mystique rosée,
Par qui se courbent les doux calices tremblants,

J'irai, ce soir, vers l'eau taciturne où bleuissent
De pâles fleurs, dans la triste mare d'azur,
Cueillir pour tes doigts longs l'iris antique et pur
Que les pleurs amoureux de la fontaine emplissent.

Ainsi, je t'aimerai dans ton droit vêtement,
Tes yeux morts dans les miens arrêtés longuement,
Avec ma fleur en tes mains vagues d'innocence;

Nous resterons longtemps muets, d'ombre voilés,
Et je t'adorerai sous ces bois violets
Où de pudiques lys grandissent en silence...

Paul VALERY (1891)

dimanche 26 décembre 2010

Hiver

Dans les vases meurent les fleurs,
Des tristes feuilles satinées,
Des roses, montent des senteurs
Fanées...

Dans les yeux coulent des pleurs
Et les douces larmes perlées
Glissent lentement dans les coeurs,
Fanées...

Dans l'âme des amants rêveurs
Courent les ivresses passées;
Leurs coeurs s'emplissent de douleurs
Fanées...

Jules SUPERVIELLE, Brumes du passé (1901)

vendredi 24 décembre 2010

Prayer for Peace

Almighty and merciful God, Father of all men, Creator and ruler of the universe,
 Lord of all history, whose designs are without blemish, whose compassion for
 the errors of men is inexhaustible, in your will is our peace.

 Mercifully hear this prayer which rises to you from the tumult and desperation
 of a world in which you are forgotten, in which your name is not invoked,
 your laws are derided and your presence is ignored. Because we do not 
know you, we have no peace.

 From the heart of an eternal silence, you have watched the rise of empires
 and have seen the smoke of their downfall. You have witnessed the impious 
fury of ten thousand fratricidal wars, in which great powers have torn whole 
continents to shreds in the name of peace and justice.

 (...) Grant light, grant strength and patience to all who work for peace.
 But grant us above all to see that our ways are not necessarily
 your ways, that we cannot fully penetrate the mystery of your
 designs and that the very storm of power now raging on this earth 
reveals your hidden will and your inscrutable decision.

 Grant us to see your face in the lightning of this cosmic storm,
 O God of holiness, merciful to men. Grant us to seek peace where
 it is truly found. In your will, O God, is our peace. 

Amen. 



Thomas Merton (1915-1968)
, Prayer for Peace

jeudi 23 décembre 2010

A Garden Beyond Paradise

Everything you see has its roots
in the unseen world.
The forms may change,
yet the essence remains the same.

Every wondrous sight will vanish,
every sweet word will fade.
But do not be disheartened,
The Source they come from is eternal—
growing, branching out,
giving new life and new joy.

Why do you weep?—
That Source is within you,
and this whole world
is springing up from it.

The Source is full,
its waters are ever-flowing;
Do not grieve,
drink your fill!
Don't think it will ever run dry—
This is the endless Ocean!

From the moment you came into this world,
a ladder was placed in front of you
that you might transcend it.

From earth, you became plant,
from plant you became animal.
Afterwards you became a human being,
endowed with knowledge, intellect and faith.

Behold the body, born of dust—
how perfect it has become!

Why should you fear its end?
When were you ever made less by dying?

When you pass beyond this human form,
no doubt you will become an angel
and soar through the heavens!

But don't stop there.
Even heavenly bodies grow old.

Pass again from the heavenly realm
and plunge into the ocean of Consciousness.
Let the drop of water that is you
become a hundred mighty seas.

But do not think that the drop alone
becomes the Ocean—
the Ocean, too, becomes the drop!

Jelaluddin RUMI, A Garden Beyond Paradise,
A Garden Beyond Paradise: The Mystical Poetry of Rumi
(translated by Jonathan Star).

mercredi 22 décembre 2010

Reflets

Sous l'eau du songe qui s'élève,
Mon âme a peur, mon âme a peur !
Et la lune luit dans mon coeur,
Plongé dans les sources du rêve.

Sous l'ennui morne des roseaux,
Seuls les reflets profonds des choses,
Des lys, des palmes et des roses,
Pleurent encore au fond des eaux.
Les fleurs s'effeuillent une à une
Sur le reflet du firmament,
Pour descendre éternellement
Dans l'eau du songe et dans la lune.

Maurice MAETERLINCK, Serres chaudes (1889)

mardi 21 décembre 2010

Amour triste

Je veux un amour plein de sanglots et de pleurs.
Je veux un amour triste ainsi qu'un ciel d'automne,
Un amour qui serait comme un bois planté d'ifs
Où dans la nuit le cor mélancolique sonne;
Je veux un amour triste ainsi qu'un ciel d'automne
Fait de remords très lents et de baisers furtifs.

Jean MOREAS

lundi 20 décembre 2010

Chanson de Mélisande

L'eau qui pleure et l'eau qui rit,
L'eau qui parle et l'eau qui fuit,
L'eau qui tremble dans la nuit...

L'anneau glisse et l'anneau luit,
L'anneau trouble l'eau qui fuit,
L'anneau tombe dans la nuit...

L'anneau tombe et la couronne,
Que les anges nous pardonnent!...
La couronne tombe aussi
Dans l'eau froide et dans la nuit...

Maurice MAETERLINCK, Serres chaudes (1889)

dimanche 19 décembre 2010

Dieu est amour

D'être aimant et/ou aimé, de ne pas pouvoir l'être hors de la rencontre de l'autre dans le rapport à l'Autre, voilà le moment de Dieu. Il s'y révèle comme l'absolu du don : la source même de la vie de tous. "Dieu est amour", dit saint Jean.

Denis VASSE, L'arbre de la voix.

samedi 11 décembre 2010

ALMS

My heart is what it was before,
A house where people come and go;
But it is winter with your love,
The sashes are beset with snow.

I light the lamp and lay the cloth,
I blow the coals to blaze again;
But it is winter with your love,
The frost is thick upon the pane.

I know a winter when it comes:
The leaves are listless on the boughs;
I watched your love a little while,
And brought my plants into the house.

I water them and turn them south,
I snap the dead brown from the stem;
But it is winter with your love, -
I only tend and water them.

There was a time I stood and watched
The small, ill-natured sparrows' fray;
I loved the beggar that I fed,
I cared for what he had to say,

I stood and watched him out of sight;
Today I reach around the door
And set a bowl upon the step;
My heart is what it was before,

But it is winter with your love;
I scatter crumbs upon the sill,
And close the window, - and the birds
May take or leave them, as they will.

Edna ST. VINCENT MILLAY, Second April

Winters

 "But what after all is one night ? A short space, especially when the darkness dims so soon, and so soon a bird sings, a cock crows, o...