jeudi 28 juillet 2011

Eurydice

Ne pas pouvoir se retourner
Quand le jour est derrière soi.
Qu'une nuit de mauvaise foi
Hante notre face damnée,
Quand le visage d'Eurydice
Forme une aurore de délice
Et nous illumine le dos
Mais laisse nos yeux sans échos
Et sans regard pour la merveille
Qui derrière nous appareille.
Il suffirait d'un mouvement
Pour que s'approche un autre monde
Pour que les ténèbres répondent
A notre coeur interrogeant.
Mais tu ne peux pas faire un geste,
Mille fers crochus t'en empêchent,
Ni même lever une main
Qui éclairerait ton chemin.

(...)

L'oubli me pousse et me contourne
Avec ses pattes de velours,
Il est poussé par le silence
Et l'un de l'autre ils font le tour,
Doucereux étouffeurs d'amour.
On sait toujours à quoi ils pensent
Et c'est aux dépens de nos jours,
Eux qui confondent leurs contours
Et l'un l'autre se recommencent
Pour mieux effilocher nos jours
Jusqu'à l'ultime transparence,
Tout en faisant le coeur plus lourd
Pour presque empêcher son avance.
Voilà, voilà qu'ils l'ont glacé !
C'est leur façon de terrasser.
Oh ! que je tâte cette pierre
Qu'éclaire l'étoile polaire !

Jules SUPERVIELLE, Oublieuse mémoire (1948)

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