mardi 9 juin 2009

Mémoire et rêve

« La mémoire est un lieu magique où coexistent jadis et maintenant, l'absence et la proximité, la cause et l'effet, les vivants et les morts. Par elle, les êtres sans ubiquité, sans longévité que nous sommes tiennent ensemble tous les moments, tous les lieux s élèvent un instant, au dessus d'eux mêmes. » Ce que Pierre Bergounioux dit là, je le dis du rêve.

Mémoire et rêve seraient ils équivalents ? Rêver et se souvenir ne seraient ils qu’une seule et même activité ? Oui, mais pour une part seulement. Car il me semble que la mémoire, même celle qualifiée d'involontaire, tend vers une certaine forme, à commencer par celle du souvenir. Alors que le rêve je ne parle pas du récit que nous en faisons, mais du rêver, de l'activité rêvante a quelque chose d'anarchique : il met en connexion des sensations, des traces inscrites dans les temps les plus divers. S'il est mémoire il est mémoire de fragments. Il est par nature rétif à toute forme, il défie toute signification. Il a fallu toute la passion obstinée de Freud pour trouver un sens à cette production insensée de nos nuits et, conjointement, lui assigner une finalité (l'accomplissement du Wunsch). Dévoilement du secret du rêve, du symptôme névrotique, tout le reste suit. Plus tard, passé le temps de la conquête et de l'exaltation, il faudra déchanter (narcissisme, résistances du ça, masochisme, réaction thérapeutique négative, pulsion de mort).

J.-B. PONTALIS, En marge des jours, Paris, Gallimard, 2002.

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