Partout où ton pas est allé
Et partout où ta main se pose,
Il reste de toi quelque chose
D'indéfinissable et d'ailé.
Aussi j'aime ce que tu touches
Comme si c'était un peu toi ;
Partout où tu passas, je vois
Le clair sourire de ta bouche.
Il est là-bas, sur le balcon
Où tu suis ton rêve, accoudée,
Et dans la fraîche et sombre allée
Où nous allons.
Partout tu laisses une empreinte
Presque imperceptible de toi,
Une lueur jamais éteinte
Qui n'est visible que pour moi.
Ici je vois une attitude,
Un regard de tes larges yeux ;
Ici la tranquille habitude,
Ou le songe silencieux.
Là, c'est un signe de ta tête
Ou les fleurs que tu vas cueillir ;
Là, vaguement ta silhouette
En la brume du souvenir.
Partout où ton pas est allé
Et partout où ta main se pose,
Il reste de toi quelque chose
D'indéfinissable et d'ailé ...
Jules SUPERVIELLE, Comme des voiliers (1910)
Mon blog propose à la lecture des poésies et des réflexions de différents auteurs, le plus souvent de langue française, et parfois de langue anglaise ou espagnole.
dimanche 23 janvier 2011
jeudi 20 janvier 2011
Voyage en soi
Nous verrons-nous jamais quand, légers, auront fui
Les jours que nous vivrons encore ?
Aura-t-elle une fin l'imperturbable nuit,
Après notre dernière aurore ?
Ne viendras-tu jamais sur mon coeur d'autrefois
Poser ta main terrestre et douce,
Toi qui pour notre amour, multiple comme un bois,
Fus l'eau vivante sur la mousse ?
Est-ce vrai que l'on meurt tout à fait, est-ce vrai
Que les yeux clos jamais ne s'ouvrent ?
Et que le morne froid qu'un jour je sentirai
Est celui des chenets que nul feu ne recouvre ?
Est-ce vrai que ta joie et ton jeune baiser,
Et les saisons de ton visage,
Que tout s'effacera dans mon coeur apaisé,
Et même ta présente image ?
Toi que voilà glissant des bagues à tes doigts,
Et qui souris et qui badines,
Ô toi qui ne sais pas quel angoissant émoi
Est né dans mon âme orpheline ?
Jules SUPERVIELLE, Poèmes (1919)
Les jours que nous vivrons encore ?
Aura-t-elle une fin l'imperturbable nuit,
Après notre dernière aurore ?
Ne viendras-tu jamais sur mon coeur d'autrefois
Poser ta main terrestre et douce,
Toi qui pour notre amour, multiple comme un bois,
Fus l'eau vivante sur la mousse ?
Est-ce vrai que l'on meurt tout à fait, est-ce vrai
Que les yeux clos jamais ne s'ouvrent ?
Et que le morne froid qu'un jour je sentirai
Est celui des chenets que nul feu ne recouvre ?
Est-ce vrai que ta joie et ton jeune baiser,
Et les saisons de ton visage,
Que tout s'effacera dans mon coeur apaisé,
Et même ta présente image ?
Toi que voilà glissant des bagues à tes doigts,
Et qui souris et qui badines,
Ô toi qui ne sais pas quel angoissant émoi
Est né dans mon âme orpheline ?
Jules SUPERVIELLE, Poèmes (1919)
lundi 17 janvier 2011
Couvre-feu
Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés.
Paul ELUARD, Poésie et vérité 1942 (1942)
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés.
Paul ELUARD, Poésie et vérité 1942 (1942)
dimanche 2 janvier 2011
La Création
Et Dieu s'promena, et regarda bien attentivement
Son Soleil, et sa Lune, et les p'tits astres de son firmament.
Il regarda la terre qu'il avait modelée dans sa paume,
Et les plantes et les bêtes qui remplissaient son beau royaume.
Et Dieu s'assit, et se prit la tête dans les mains,
Et dit : "J'suis encore seul; j'vais m'fabriquer un homme demain."
Et Dieu ramassa un peu d'argile au bord d'la rivière,
Et travailla, agenouillé dans la poussière.
Et Dieu, Dieu qui lança les étoiles au fond des cieux,
Dieu façonna et refaçonna l'homme de son mieux.
Comme une mère penchée sur son p'tit enfant bien aimé,
Dieu peina, et s'donna du mal, jusqu'à c'que l'homme fût formé.
Et quand il l'eut pétri, et pétri, et repétri,
Dans cette boue faite à son image Dieu souffla l'esprit.
Et l'homme devint une âme vivante,
Et l'homme devint une âme vivante...
Marguerite YOURCENAR, Fleuve profond, sombre rivière, Les "negro spirituals", commentaires et traductions (1966)
Son Soleil, et sa Lune, et les p'tits astres de son firmament.
Il regarda la terre qu'il avait modelée dans sa paume,
Et les plantes et les bêtes qui remplissaient son beau royaume.
Et Dieu s'assit, et se prit la tête dans les mains,
Et dit : "J'suis encore seul; j'vais m'fabriquer un homme demain."
Et Dieu ramassa un peu d'argile au bord d'la rivière,
Et travailla, agenouillé dans la poussière.
Et Dieu, Dieu qui lança les étoiles au fond des cieux,
Dieu façonna et refaçonna l'homme de son mieux.
Comme une mère penchée sur son p'tit enfant bien aimé,
Dieu peina, et s'donna du mal, jusqu'à c'que l'homme fût formé.
Et quand il l'eut pétri, et pétri, et repétri,
Dans cette boue faite à son image Dieu souffla l'esprit.
Et l'homme devint une âme vivante,
Et l'homme devint une âme vivante...
Marguerite YOURCENAR, Fleuve profond, sombre rivière, Les "negro spirituals", commentaires et traductions (1966)
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