Un ciel rose un ciel heureux
Respirant beauté santé
Sur la rue sans avenir
Qui coupe mon coeur en deux
Qui me prive de moi-même
Dans la rue de rien personne.
Paul ELUARD, Le dur désir de durer (1946)
Mon blog propose à la lecture des poésies et des réflexions de différents auteurs, le plus souvent de langue française, et parfois de langue anglaise ou espagnole.
jeudi 31 décembre 2009
mercredi 30 décembre 2009
Savez-vous écouter les étoiles ?
XIII
"Ora (direis) ouvir estrelas! Certo
Perdeste o senso!" E eu vos direi, no entanto,
Que, para ouvir-las, muita vez desperto
E abro as janelas, pálido de espanto ...
E conversamos toda a noite, enquanto
A via láctea, como um pálio aberto,
Cintila. E, ao vir do sol, saudoso e em pranto,
Inda as procuro pelo céu deserto.
Direis agora: "Tresloucado amigo!
Que conversas com elas? Que sentido
Tem o que dizem, quando estão contigo?"
E eu vos direi: "Amai para entendê-las!
Pois só quem ama pode ter ouvido
Capaz de ouvir e de entender estrelas."
Olavo Bilac
"Ora (direis) ouvir estrelas! Certo
Perdeste o senso!" E eu vos direi, no entanto,
Que, para ouvir-las, muita vez desperto
E abro as janelas, pálido de espanto ...
E conversamos toda a noite, enquanto
A via láctea, como um pálio aberto,
Cintila. E, ao vir do sol, saudoso e em pranto,
Inda as procuro pelo céu deserto.
Direis agora: "Tresloucado amigo!
Que conversas com elas? Que sentido
Tem o que dizem, quando estão contigo?"
E eu vos direi: "Amai para entendê-las!
Pois só quem ama pode ter ouvido
Capaz de ouvir e de entender estrelas."
Olavo Bilac
mardi 29 décembre 2009
Cantique des colonnes
Douces colonnes, aux
Chapeaux garnis de jour,
Ornés de vrais oiseaux
Qui marchent sur le tour, ...
Nous chantons à la fois
Que nous portons les cieux !
O seule et sage voix
Qui chantes pour les yeux !
Vois quels hymnes candides !
Quelle sonorité
Nos éléments limpides
Tirent de la clarté !
Si froides et dorées
Nous fûmes de nos lits
Par le ciseau tirées,
Pour devenir ces lys ! ...
Nous marchons dans le temps
Et nos corps éclatants
Ont des pas ineffables
Qui marquent dans les fables.
Paul VALERY, Charmes
Chapeaux garnis de jour,
Ornés de vrais oiseaux
Qui marchent sur le tour, ...
Nous chantons à la fois
Que nous portons les cieux !
O seule et sage voix
Qui chantes pour les yeux !
Vois quels hymnes candides !
Quelle sonorité
Nos éléments limpides
Tirent de la clarté !
Si froides et dorées
Nous fûmes de nos lits
Par le ciseau tirées,
Pour devenir ces lys ! ...
Nous marchons dans le temps
Et nos corps éclatants
Ont des pas ineffables
Qui marquent dans les fables.
Paul VALERY, Charmes
lundi 28 décembre 2009
My business ...
... My business is to love. I found a bird, this morning, down - down - on a little bush at the foot of the garden, and wherefore sing, I said, since nobody hears ?
One sob in the throat, one flutter of bosom - "My business is to sing - and away she rose ! How do I know but cherubim, once, themselves, as patient, listened, and applauded her unnoticed hymn ?
Emily DICKINSON, Selected poems and letters (1959)
One sob in the throat, one flutter of bosom - "My business is to sing - and away she rose ! How do I know but cherubim, once, themselves, as patient, listened, and applauded her unnoticed hymn ?
Emily DICKINSON, Selected poems and letters (1959)
dimanche 27 décembre 2009
L’invitation au voyage
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux
Brillant à travers leurs larmes.
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale (…).
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde :
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Charles BAUDELAIRE, Les fleurs du Mal (1857).
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux
Brillant à travers leurs larmes.
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale (…).
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde :
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Charles BAUDELAIRE, Les fleurs du Mal (1857).
samedi 26 décembre 2009
Affliction
J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra dans ta vie ensoleillée.
Robert DESNOS, Poèmes du bagne
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra dans ta vie ensoleillée.
Robert DESNOS, Poèmes du bagne
vendredi 25 décembre 2009
Joyeux Noël ! Feliz Natal ! Merry Christmas ! Feliz Navidad !
"Que seulement je fasse de ma vie une chose simple et droite: pareille à une flûte de roseau que tu puisses emplir de musique...
Le même fleuve de vie qui court à travers mes veines nuit et jour court à travers le monde et danse en pulsations rythmées.
C'est cette même vie qui pousse à travers la poudre de la terre sa joie en innombrables brins d'herbe, et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs.
C'est cette même vie que balancent flux et reflux dans l'océan berceau de la naissance et de la mort.
Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m'enorgueillis, car le grand battement de la vie des âges, c'est dans mon sang qu'il danse en ce moment."
TAGORE, L'offrande lyrique (Traduction d'André Gide).
Le même fleuve de vie qui court à travers mes veines nuit et jour court à travers le monde et danse en pulsations rythmées.
C'est cette même vie qui pousse à travers la poudre de la terre sa joie en innombrables brins d'herbe, et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs.
C'est cette même vie que balancent flux et reflux dans l'océan berceau de la naissance et de la mort.
Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m'enorgueillis, car le grand battement de la vie des âges, c'est dans mon sang qu'il danse en ce moment."
TAGORE, L'offrande lyrique (Traduction d'André Gide).
jeudi 24 décembre 2009
Noël
"Si nous voulons dégager Noël de ce folklore où l'esprit de facilité risque de l'enliser, si nous voulons redonner à cette fête, qui est populaire entre toutes les fêtes, sa vigueur et sa profondeur religieuse, il faut oser le paradoxe de l'envisager dans sa relation intime avec le Vendredi saint et avec Pâques (...) Le fond des choses, c'est que Dieu s'incarne pour mourir et pour ressusciter."
François VARILLON, La parole est mon royaume (1986)
François VARILLON, La parole est mon royaume (1986)
mercredi 23 décembre 2009
[I shall not live in vain]
If I can stop one heart from breaking,
I shall not live in vain;
If I can ease one life the aching
Or cool one pain,
Or help one fainting robin
Unto his nest again,
I shall not live in vain.
Emily DICKINSON, Selected Poems and Letters (1959)
I shall not live in vain;
If I can ease one life the aching
Or cool one pain,
Or help one fainting robin
Unto his nest again,
I shall not live in vain.
Emily DICKINSON, Selected Poems and Letters (1959)
mardi 22 décembre 2009
Chanson de Fortunio
Si vous croyez que je vais dire
Qui j’ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer.
Nous allons chanter à la ronde,
Si vous voulez,
Que je l’adore et qu’elle est blonde,
Comme les blés.
Je fais ce que sa fantaisie
Veut m’ordonner,
Et je puis, s’il lui faut ma vie,
La lui donner.
Du mal qu’une amour ignorée
Nous fait souffrir,
J’en porte l’âme déchirée
Jusqu’à mourir.
Mais j’aime trop pour que je die
Qui j’ose aimer,
Et je veux mourir pour ma mie
Sans la nommer.
Alfred de MUSSET, Le Chandelier, II, 3.
Qui j’ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer.
Nous allons chanter à la ronde,
Si vous voulez,
Que je l’adore et qu’elle est blonde,
Comme les blés.
Je fais ce que sa fantaisie
Veut m’ordonner,
Et je puis, s’il lui faut ma vie,
La lui donner.
Du mal qu’une amour ignorée
Nous fait souffrir,
J’en porte l’âme déchirée
Jusqu’à mourir.
Mais j’aime trop pour que je die
Qui j’ose aimer,
Et je veux mourir pour ma mie
Sans la nommer.
Alfred de MUSSET, Le Chandelier, II, 3.
lundi 21 décembre 2009
Le rendez-vous
Quand à l’orgue des fûts le vent prête sa voix
Tu viendras, ce sera le déclin de l’automne.
Des oiseaux migrateurs fuiront sous le ciel froid,
Les tilleuls sèmeront à tes pieds leur couronne.
Je serai sur le seuil de la maison des bois,
Près des étangs obscurs cernés d’osiers et d’aulnes ;
D’une meute pressant les bonds et les abois,
Un cor déchirera la forêt rouge et jaune.
Nous ne nous dirons rien, je t’ouvrirai les bras
Comme à l’enfant qui vient de loin et qui est las,
Et tandis que la nuit au sommeil du paysage
Prêtera son manteau de velours étoilé,
Je veux dans un sanglot enfouir mon visage
Au flot de tes cheveux amplement déroulés.
Léon VERANE, Le Livre d’Hélène (1931)
Tu viendras, ce sera le déclin de l’automne.
Des oiseaux migrateurs fuiront sous le ciel froid,
Les tilleuls sèmeront à tes pieds leur couronne.
Je serai sur le seuil de la maison des bois,
Près des étangs obscurs cernés d’osiers et d’aulnes ;
D’une meute pressant les bonds et les abois,
Un cor déchirera la forêt rouge et jaune.
Nous ne nous dirons rien, je t’ouvrirai les bras
Comme à l’enfant qui vient de loin et qui est las,
Et tandis que la nuit au sommeil du paysage
Prêtera son manteau de velours étoilé,
Je veux dans un sanglot enfouir mon visage
Au flot de tes cheveux amplement déroulés.
Léon VERANE, Le Livre d’Hélène (1931)
dimanche 20 décembre 2009
Si tu as mille raisons de vivre...
Si tu as mille raisons de vivre,
si tu ne te sens jamais seul,
si tu te réveilles avec l'envie de chanter,
si tout te parle
- des pierres du chemin
aux étoiles du ciel,
des lézards qui musardent
aux poissons, seigneurs de la mer -
si tu comprends les vents
et écoutes le silence,
tressaille de joie :
l'amour chemine à ton côté,
il est ton compagnon,
ton frère...
Dom Helder CAMARA, Mille raisons pour vivre (28 janvier 1973)
si tu ne te sens jamais seul,
si tu te réveilles avec l'envie de chanter,
si tout te parle
- des pierres du chemin
aux étoiles du ciel,
des lézards qui musardent
aux poissons, seigneurs de la mer -
si tu comprends les vents
et écoutes le silence,
tressaille de joie :
l'amour chemine à ton côté,
il est ton compagnon,
ton frère...
Dom Helder CAMARA, Mille raisons pour vivre (28 janvier 1973)
samedi 19 décembre 2009
Chant de l'exil
J'ai dit ma peine à qui n'a pas souffert
Et il s'est ri de moi
J'ai dit ma peine à qui a souffert
Et il s'est penché vers moi.
Ses larmes ont coulé avant mes larmes
Il avait le coeur blessé
Jean AMROUCHE, Chants berbères de Kabylie (1939)
Et il s'est ri de moi
J'ai dit ma peine à qui a souffert
Et il s'est penché vers moi.
Ses larmes ont coulé avant mes larmes
Il avait le coeur blessé
Jean AMROUCHE, Chants berbères de Kabylie (1939)
vendredi 18 décembre 2009
La Vie
C’est beau d’avoir élu
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu,
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme
Dans un petit jardin,
D’avoir aimé la terre,
La lune et le soleil
Comme des familiers
Qui n’ont pas leurs pareils,
Et d’avoir confié
Le monde à sa mémoire
Comme un clair cavalier
A sa monture noire,
D’avoir donné visage
A ces mots : femme, enfants,
Et servi de rivage
A d’errants continents,
Et d’avoir atteint l’âme
A petits coups de rame
Pour ne l’effaroucher
D’une brusque approchée.
C’est beau d’avoir connu
L’ombre sous le feuillage
Et d’avoir senti l’âge
Ramper sur le corps nu,
Accompagné la peine
Du sang noir dans les veines
Et doré son silence
De l’étoile Patience,
Et d’avoir tous ces mots
Qui bougent dans la tête
De choisir les moins beaux
Pour leur faire un peu fête,
D’avoir senti la vie
Hâtive et mal aimée
De l’avoir enfermée
Dans cette poésie.
Jules SUPERVIELLE, Hommage à la Vie
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu,
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme
Dans un petit jardin,
D’avoir aimé la terre,
La lune et le soleil
Comme des familiers
Qui n’ont pas leurs pareils,
Et d’avoir confié
Le monde à sa mémoire
Comme un clair cavalier
A sa monture noire,
D’avoir donné visage
A ces mots : femme, enfants,
Et servi de rivage
A d’errants continents,
Et d’avoir atteint l’âme
A petits coups de rame
Pour ne l’effaroucher
D’une brusque approchée.
C’est beau d’avoir connu
L’ombre sous le feuillage
Et d’avoir senti l’âge
Ramper sur le corps nu,
Accompagné la peine
Du sang noir dans les veines
Et doré son silence
De l’étoile Patience,
Et d’avoir tous ces mots
Qui bougent dans la tête
De choisir les moins beaux
Pour leur faire un peu fête,
D’avoir senti la vie
Hâtive et mal aimée
De l’avoir enfermée
Dans cette poésie.
Jules SUPERVIELLE, Hommage à la Vie
jeudi 17 décembre 2009
Mes deux filles
Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,
L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,
Belles et toutes deux joyeuses, ô douceur !
Voyez, la grande soeur et la petite soeur
Sont assises au seuil du jardin, et sur elles
Un bouquet d'oeillets blancs aux longues tiges frêles,
Dans une urne de marbre agité par le vent,
Se penche, et les regarde, immobile et vivant,
Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,
Un vol de papillons arrêté dans l'extase.
Victor HUGO, Les contemplations (La Terrasse, près d'Enghien, juin 1842)
L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,
Belles et toutes deux joyeuses, ô douceur !
Voyez, la grande soeur et la petite soeur
Sont assises au seuil du jardin, et sur elles
Un bouquet d'oeillets blancs aux longues tiges frêles,
Dans une urne de marbre agité par le vent,
Se penche, et les regarde, immobile et vivant,
Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,
Un vol de papillons arrêté dans l'extase.
Victor HUGO, Les contemplations (La Terrasse, près d'Enghien, juin 1842)
mercredi 16 décembre 2009
Copenhague...
Que dire si, un jour, les choses naturelles - sources, bois, vignes, campagne - sont absorbées par la ville et escamotées et se rencontrent dans des phrases anciennes ? Elles nous feront l'effet des theoi, des nymphes, du naturel sacré qui surgit d'un vers grec. Alors la simple phrase "il y avait une source" sera émouvante.
Cesare PAVESE, Le métier de vivre
Cesare PAVESE, Le métier de vivre
mardi 15 décembre 2009
[Peace/la Paix]
I many times thought peace had come,
When peace was far away;
As wrecked men deem they sight the land
At centre of the sea,
And struggle slacker, but to prove,
As hopelessly as I,
How many the fictitious shores
Before the harbor lie.
Emily DICKINSON, Selected Poems
When peace was far away;
As wrecked men deem they sight the land
At centre of the sea,
And struggle slacker, but to prove,
As hopelessly as I,
How many the fictitious shores
Before the harbor lie.
Emily DICKINSON, Selected Poems
lundi 14 décembre 2009
La douleur
Seule la douleur nous révèle ce qui est grand et sacré.
Avant la douleur on peut avoir le sentiment de la beauté, de la bonté et même d'une certaine grandeur. Mais jamais de la vraie grandeur, du sacré.
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées
Avant la douleur on peut avoir le sentiment de la beauté, de la bonté et même d'une certaine grandeur. Mais jamais de la vraie grandeur, du sacré.
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées
dimanche 13 décembre 2009
Advent
Dieu, par un surcroît de bonté à notre égard, étant transcendant à toutes choses, incompréhensible et indicible, consent à devenir participable à notre intelligence et invisiblement visible dans sa suressentielle et inséparable puissance.
St. Grégoire PALAMAS, Triades, I, 3
St. Grégoire PALAMAS, Triades, I, 3
samedi 12 décembre 2009
[On a winter day/Une journée d'hiver]
The sky is low, the clouds are mean,
A travelling flake of snow
Across a barn or through a rut
Debates if it will go.
A narrow wind complains all day
How some one treated him;
Nature, like us, is sometimes caught
Without her diadem.
Emily DICKINSON, Selected poems and letters
A travelling flake of snow
Across a barn or through a rut
Debates if it will go.
A narrow wind complains all day
How some one treated him;
Nature, like us, is sometimes caught
Without her diadem.
Emily DICKINSON, Selected poems and letters
vendredi 11 décembre 2009
Le pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Guillaume APOLLINAIRE, Alcools (1913)
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Guillaume APOLLINAIRE, Alcools (1913)
jeudi 10 décembre 2009
[Love]
If I may have it when it's dead
I will contented be;
If just as soon as breath is out
It shall belong to me,
Until they lock it in the grave,
'Tis bliss I cannot weigh,
For though they lock thee in the grave,
Myself can hold the key.
Think of it, lover ! I and thee
Permitted face to face to be;
After a life, a death we'll say, -
For death was that, and this is thee.
Emily DICKINSON, Selected Poems and Letters (edited by Robert N. Linscott, New York, Doubleday, 1959)
I will contented be;
If just as soon as breath is out
It shall belong to me,
Until they lock it in the grave,
'Tis bliss I cannot weigh,
For though they lock thee in the grave,
Myself can hold the key.
Think of it, lover ! I and thee
Permitted face to face to be;
After a life, a death we'll say, -
For death was that, and this is thee.
Emily DICKINSON, Selected Poems and Letters (edited by Robert N. Linscott, New York, Doubleday, 1959)
mercredi 9 décembre 2009
La poésie
La poésie est non un sens mais un état, non une compréhension mais un être.
Cesare PAVESE, Le métier de vivre
Cesare PAVESE, Le métier de vivre
mardi 8 décembre 2009
Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres
Étoile de la mer voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape
Et voici votre voix sur cette lourde plaine
Et nos amis absents et nos cœurs dépeuplés,
Voici le long de nous nos poings désassemblés
Et notre lassitude et notre force pleine.
Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine.
Un sanglot rôde et court par delà l’horizon.
A peine quelques toits font comme un archipel.
Du vieux clocher retombe une sorte d’appel.
L’épaisse église semble une basse maison.
Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules,
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.
Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire.
Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.
Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.
Vous nous voyez marcher, nous sommes la piétaille.
Nous n’avançons jamais que d’un pas à la fois.
Mais vingt siècles de peuple et vingt siècles de rois,
Et toute leur séquelle et toute leur volaille
Et leurs chapeaux à plume avec leur valetaille
Ont appris ce que c’est que d’être familiers,
Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers,
Vers un dernier carré le soir d’une bataille. [ ... ]
Un homme de chez nous, de la glèbe féconde
A fait jaillir ici d’un seul enlèvement,
Et d’une seule source et d’un seul portement,
Vers votre assomption la flèche unique au monde.
Tour de David, voici votre tour beauceronne.
C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.
Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.
Charles PEGUY, La Tapisserie de Notre-Dame
Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape
Et voici votre voix sur cette lourde plaine
Et nos amis absents et nos cœurs dépeuplés,
Voici le long de nous nos poings désassemblés
Et notre lassitude et notre force pleine.
Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine.
Un sanglot rôde et court par delà l’horizon.
A peine quelques toits font comme un archipel.
Du vieux clocher retombe une sorte d’appel.
L’épaisse église semble une basse maison.
Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules,
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.
Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire.
Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.
Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.
Vous nous voyez marcher, nous sommes la piétaille.
Nous n’avançons jamais que d’un pas à la fois.
Mais vingt siècles de peuple et vingt siècles de rois,
Et toute leur séquelle et toute leur volaille
Et leurs chapeaux à plume avec leur valetaille
Ont appris ce que c’est que d’être familiers,
Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers,
Vers un dernier carré le soir d’une bataille. [ ... ]
Un homme de chez nous, de la glèbe féconde
A fait jaillir ici d’un seul enlèvement,
Et d’une seule source et d’un seul portement,
Vers votre assomption la flèche unique au monde.
Tour de David, voici votre tour beauceronne.
C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.
Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.
Charles PEGUY, La Tapisserie de Notre-Dame
lundi 7 décembre 2009
Ô lointain pays maternel...
Voici les sources cristallines
Où tendrement le ciel se pose
Avec ses souffles embaumés
Et s'en va ce bocage enclore
Qui accueille sous les charmilles,
Parmi les fruits, parmi les fleurs
Mille chanteurs multicolores.
NOVALIS, Heinrich von Ofterdingen (Trad. fçse par Y. Delétang-Tardif)
Où tendrement le ciel se pose
Avec ses souffles embaumés
Et s'en va ce bocage enclore
Qui accueille sous les charmilles,
Parmi les fruits, parmi les fleurs
Mille chanteurs multicolores.
NOVALIS, Heinrich von Ofterdingen (Trad. fçse par Y. Delétang-Tardif)
dimanche 6 décembre 2009
Fidélité
Sois fidèle à l'homme et Dieu ne te reprochera pas ton infidélité.
Sois fidèle à l'amitié et fidèle à l'amour : tu peux alors faillir aux autres commandements.
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées (1984)
Sois fidèle à l'amitié et fidèle à l'amour : tu peux alors faillir aux autres commandements.
Vassili ROZANOV, Feuilles tombées (1984)
samedi 5 décembre 2009
Désenchantement
Dans les boucles de mon automne
Si j'ai perdu mon bel été
Qu'importe Les eaux du Léthé
Ont le goût que l'amour leur donne
Et les baisers toujours m'étonnent
...
Les raisons d'aimer et de vivre
Varient comme font les saisons
Les mots bleus dont nous nous grisons
Cessent un jour de nous rendre ivres
La flûte se perd dans les cuivres
Louis ARAGON, Pour un chant national
Si j'ai perdu mon bel été
Qu'importe Les eaux du Léthé
Ont le goût que l'amour leur donne
Et les baisers toujours m'étonnent
...
Les raisons d'aimer et de vivre
Varient comme font les saisons
Les mots bleus dont nous nous grisons
Cessent un jour de nous rendre ivres
La flûte se perd dans les cuivres
Louis ARAGON, Pour un chant national
vendredi 4 décembre 2009
Les amis inconnus
Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d’une lame profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit les étoiles muettes.
Il vous naît un oiseau dans la force de l’âge,
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu’il n’a que son cri d’oiseau pour la montrer.
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s’y pose, on dirait qu’elle est comme les autres.
Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n’est pas de chasseur encor dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L’écureuil qui devient feuille et vois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?
Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
Mais il faudra qu’il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d’étranges battements
Qui lui viennent de jours qu’il n’aura pas vécus.
Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles,
« Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ? »
Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
Jules SUPERVIELLE, Les Amis inconnus (1934)
Tout de suite au plus noir d’une lame profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit les étoiles muettes.
Il vous naît un oiseau dans la force de l’âge,
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu’il n’a que son cri d’oiseau pour la montrer.
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s’y pose, on dirait qu’elle est comme les autres.
Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n’est pas de chasseur encor dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L’écureuil qui devient feuille et vois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?
Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
Mais il faudra qu’il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d’étranges battements
Qui lui viennent de jours qu’il n’aura pas vécus.
Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles,
« Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ? »
Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
Jules SUPERVIELLE, Les Amis inconnus (1934)
jeudi 3 décembre 2009
Alicante
Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.
Jacques PREVERT, Paroles
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.
Jacques PREVERT, Paroles
mercredi 2 décembre 2009
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul VERLAINE, Poèmes saturniens(1866)
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul VERLAINE, Poèmes saturniens(1866)
mardi 1 décembre 2009
L'humilité du coeur
L'humilité du coeur n'exige point que tu t'humilies mais que tu t'ouvres. C'est la clef des échanges. Alors seulement tu peux donner et recevoir. Et je ne sais point distinguer l'un de l'autre, ces deux mots pour un même chemin. L'humilité n'est point soumission aux hommes, mais à Dieu. Ainsi de la pierre soumise non aux pierres mais au temple. Quand tu sers c'est la création que tu sers. La mère est humble vis-à-vis de l'enfant et le jardinier devant la rose.
Antoine de SAINT-EXUPERY, Citadelle (1948)
Antoine de SAINT-EXUPERY, Citadelle (1948)
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